CIELS D 'ECLIPSES ...
RECIT
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La mer nous confie que la terre saigne, qu 'elle ne veut pas de ce Combat inégal, contre nature, entre ses Flots et la glèbe !!!Que faire pour enrayer ce réchauffement et la montée des eaux sur la Planète ?
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Tous les récits de mer évoquent les mêmes aventures, d'incroyables fortunes, atteignent les mêmes ports... Il n' en est rien! il s'agit de mots, de phrases, de rimes qui ne peuvent relater pleinement le ressenti et le partage avec l 'élément, l'unique scansion de la vague. Aubes rougeoyantes, ciels lacérés, bourrasques étourdissantes, mer grosse et vagues de dunes élancées vers la côte dentelée qui saigne de plus en plus, qui pleure l 'inéluctable et trop brutal réchauffement de la terre. Ces témoignages égrènent en un jour, un instant de l 'odyssée de la Mère-Nature. Elle ne connaît aucune limite et n' en concèdera plus aux hommes. Je crois qu' elle commence à se fâcher ! Aujourd'hui et deux jours durant la Tempête d'Ouest s'est déchaînée, la violence du Ponant à la Côte n'est que solitude, litanies et suppliques au monde indifférent des hommes. La Mer, ne reste - t- elle pas encore rayonnante de plénitude bleue, cet univers fusionnel et si fragile !
En mer je pense beaucoup, je dialogue avec mon époque espérant me sentir moins seul, en vain! J' interpelle le vent, la vague, le flot au fil des sillages tracés, soulignés à travers de grandes prairies marines. C'est sous un ciel d'éclipse, traversé de nuages en flèches venus de l 'Ouest, sombres et luminescents que la mer m 'a pris et m'a attiré profondément en elle, sur elle , comme une étreinte indicible. Iridescente, fumante, tourbillonnante, avec l'océan, je me suis envolé puis reposé avec la légèreté de l 'oiseau marin, dévalant les vagues abruptes, emporté par les flux symphoniques et mélodieux de tous les éléments. Perdu dans la houle lointaine, si creuse , je rencontre des cormorans. Posés, ils préfèrent la vagues aux sauvages turbulences de l 'air. Craintifs, ils s'envolent très bas sous le vent redoublant de vitesse pour fuir l 'homme, l 'intrus, me laissant plus seul encore sur la mer désertée.
C'est une partition marine jouée sur l 'autel de l 'eau qui commence, où le marin devient un être aquatique. Tout, dans ses élans fluides, traduit la naturelle, la nécessaire adaptation de l'homme et poursuit le même Cap que les éléments. La mer saupoudrée d'étoiles cingle, scintille, masque au loin les contours de la côte blanchie, laiteuse. L 'embrun dispersé est un ciel odorant que je caresse ! la mer grandit soudain et sur son gros dos le détroit devient immensité labyrinthique, espaces à dévorer, milles à aimer, beautés à partager. J'ouvre la bouche, riant de toutes mes joues gonflées de Ponant, d'horizons libres et je m 'enivre, je me saoule de cette puissante source d 'énergie qui envahit mes poumons, gagne mon âme.
Force d'Ouragan, forte Tempête, tout cela n'est que visions et acceptions, limites sémantiques ! Je sais que ma petite aile claque à se déchirer dans les très fortes rafales. Au ras de l 'eau, mon corps est happé, parfois soulevé, à la dérive des émotions. A mon vent je vois et j 'attends le tourbillon d'écume emporté, j'essaie de tenir le flot à chaque crête serrant le vent de tout le poids des milles déjà parcourus. Sous le vent, l'espace liquide défile très vite et les dômes de mousse sont des avalanches plaintives vaincues par le vent .Vers le grand large, le soleil cristallise la lame comme un prisme minéral .Je vogue entre deux Îles, là où les vents s'affolent et s'engouffrent, se perdent vers toutes les frontières, vers tous les seuils outragés que je n'oublie pas .......
Le vent bleuit, la mer verdit par les fonds brassés, le ciel tisse des étoffes de glace et la mer immense soulève l 'infiniment petit, vivant une improbable histoire d'amour, le temps insignifiant d'un rendez-vous déjà englouti !
Le marin n 'évoque aucune limite, oublie l' épreuve, rejette toute idée d'exploit ... Il vit d' osmoses qu'il ressent sans explications, sait s'il est accepté ou non, quand il lui faut renoncer, éviter une lutte inégale. Il ne trichera pas, gardant au fond de lui même un espoir de clémence, de tempérance de l'élément et une marge de survie en cas de fortune. Il sait ce que lui coûte de partir en mer, quelles sont les conditions de cette atmosphère liquide ; il se nourrit d'espérances, de départs, de mouvances. Et si d'aventure il devait respirer la mer pour l 'éternité, il lui faudra trouver dans les grands fonds la ressource d'oublier l 'air souillé des hommes et ses contingences terrestres tristement éloignées de leurs substrats essentiels et existentiels .
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"...La tempête règne, l'eau a des reflets de cristaux de roche et la surface de la mer est un ciel d'embruns odorants que je peux caresser ,une voie Lactée envahie de milliards de gouttes d' existence ..."
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A suivre , Marin56 , le 13.03.2008