IMAGES A DIRE LE TEMPS...
Le temps est à la bruine, aux grains. Instants qui de toutes parts accourent. Il tempête dans le cœur d'un homme ; coups de temps rudes, à figer la détresse et la désolation, la longue traîne de l'écume soufflée en - volées d'embruns. Lumineuses, translucides apparitions.
Le grand ballet des lames virides divague. Chaos complaisant de la nature animée de toute chose, en esprit. L’aventure vague silencieusement dans ce jeu de rôles cosmiques, s’empare furtivement de la partition harmonieuse des éléments, de l'ordonnancement sibyllin des saisons. Fresque onirique où tout se meut, exalte ! Il me semble participer des actes d’une symphonie marine. Etancher généreusement sa soif de grands espaces. Se rendre à la source des mots fluides. Pensées en mer, un eau-delà des - illusions, un peu plus près des ciels ...
Dans la déliquescence des temps modernes, Anthropocène et sa nouvelle grille sonnent le tocsin, ont décollé. Comment, où et quand s'illusionner désormais, s'approprier encore les stupéfiantes cosmogonies que la souvenance commune réfugie, aujourd'hui délaissée et dévoyée, pour solde de tout compte, au nom du chiffre et du rendement exclusifs...
La mer pleut de lourdes larmes. Les vents contraires se rappelent au sanglot d'un vague à l'âme, de l'exil, de l'espérance. Inaccessibles printemps.
Dans la tourmente obscure et humide, un champ de crêtes albâtre ondule, revient aussitôt dans le jour diaphane. Destination prisée que mes folies empruntent. Je vagabonde en parcourant les pentes fluides de l'évasion. Echappée lumineuse que l'expression libre et la gestuelle du marin parent de fantaisies au gré de ses jeux nautiques.
A Tramuntana roule ses volutes glacées. La Bora impétueuse esquisse sur la Grande Bleue, vers l'Orient, la Mer Noire, les affres, les tourments que les Carpates, les Balkans, la vallée de la Beka lui confient.
Contrées meurtries et asservies survivant sous l'emprise de régimes hybrides et ignominieux. La forfaiture a des relents de conquêtes et de compromis hideux. Goran Bregovic fredonne au fil de l’eau, de la bise, des accords du Bouzouki, le chant de la pluie et du chagrin…
Le gros temps me concède parfois quelques soupçons de lumière et d'espoir, ces percées de ciels auxquelles on aimerait encore croire ! Mais d'entre l’oubli encore tiède, la compassion, l'on ressent toujours dans le monde la souffrance et la peine...
Quelques timides regrets ensoleillés, illusions que l'on égrène au chapelet des habitudes marquant à jamais l'aube et le crépuscule d'affects incessants...
Combien de destinées inutilement fauchées, perpétuellement recommencées abondent la moisson des pouvoirs ? Fatalité, fautes irrémissibles et cruelles blessent l'humanité, entravent et enténèbrent toujours l'horizon ...
L’air froid s'attarde, s'abat lourdement, gagne le cours d’un temps pesant, douloureusement grevé, exposé. La vie, tant d' ailleurs plongent dans le noir. Innombrables, inaccessibles possibles. L’imaginaire parfois naufrage au royaume de la torture que dirigent les tyrans !
Emaux, joyaux : l'eau transmuée fonde mes étoiles. Une île consacre l’autre multitude et ses hasards heureux. Et je dérive ainsi, oscille entre les deux mondes de l'opulence et de l’adversité implacable ; je vogue, témoin impuissant de la simultanéité des époques que le désordre cloisonne. Le bonheur sur la terre est si fragile, j'ai froid.
Les plaintes du vent vont et viennent, sourdent de la longue monodie de la mer gonflée d’amertume. Echo lancinant des mondes dont les portes claquent sur le néant. La vie y est jetée en pâture. L'existence confine à l'insignifiance aléatoire, à la dérision que les sociétés du dénigrement brident d'un code barre…
Les oiseaux de mer, les grands migrateurs chutent dans un ciel endeuillé, cinglent vers l'îlot de la dernière chance où ils sont abattus ; fortunes de mer.
A la liberté des grands espaces qui ne se monnaie pas et qu'ils partagent jusqu'au terme de l'envol : la réclusion létale des temps modernes ! Dans la prison des foules, l'on ne discute pas davantage sa cage. Se livrer à l'éloge de la fuite dès lors que l'on reconnaît à la liberté ses gages de dignité et de vérité. Le littoral défiguré ne peut plus regarder plus la mer.
La trahison vénale des masses ne mérite guère que l’on s’y attarde. Espoir galvaudé. Le métal jaune règne. Le discours sonne faux, tue l'authenticité... Quelques pensées, un regard, un titre lu en première page dévoilent les termes d'un vil échange.
Comme un plain-chant, élevé au diapason de la promesse de l’hiver, qui se démarque du tempo affligé et plaintif de l’air et de l’eau souillés. Une frénésie désemparée sourd du tréfonds de l'artifice. Les saisons capitulent. Des lambeaux de vie errent sur la grande fresque de l’oubli, se réfugient dans le labyrinthe de la mémoire blessée. Long, improbable décours.
Il pleut des gouttes de sang. Une île et son évanescente beauté tarissent. Le feu fige dans l'horreur l'argile des monts. Les chemins de la transhumance se perdent. La mémoire sombre dans le gouffre de l'éphémère. Il gèle à l'intime des coeurs blessés. Barbarie et fatalité convergent vers les contrées déjà dévastées.
L'ère du temps est aux tonnerres de feu. Il grêle : éclats de béton et d’acier ; plaies béantes d’un univers de sang et de chair sous les roue.
Comme il est doux de parcourir la fluxion des eaux sublimées. Je suis du voyage du vent aux parfums de liberté, ultramarins, que je pensais à toujours solennels !
La vie, la mort, le jeu, la violence, l'extase fusent dans l’allégresse et la tristesse qui nous sont mesurées... Dédales d’un temps jour après jour perdu, gagné, irrémédiablement marqué.
En ces lieux d’extrême dénouement,
les limites de la conscience s'entent au sein nourricier de la mer. Dans la complétude existentielle des grands espaces, je vire aux illusions qui régénèrent. Quant aux rappels incessants à la réalité infinitésimale dont je fais l'objet, inéluctablement, que je suive fidèlement le cap des réminiscences, des renaissances.
Comme une hypothèse, un souvenir, un humble vœu : j'erre et demeure ! Passager d'un jour de pluie qui m’absorbe et m’entraîne au plus profond des choses, je parcours quelques pans d'éternité, un passé durable. Le devenir des mondes, la vie que je ne vois plus passer et qui m'est étrangère, qui m'échappe, tout cela m'affecte et lancine.
2 ème Ecriture le 27.04.2012
En cours de rédaction à partir de ce brouillon infecte
24.10.2019
3 ème Ecriture, le 10 Février 2023 - En cours d'élaguage