LA MER, AVEC PIERRE LOTI ...
( ... ) Nous restâmes un moment l’un devant l’autre, moi fasciné par elle. Dès cette première entrevue, sans doute, j’avais l’insaisissable pressentiment qu’elle finirait un jour par me prendre, malgré toutes mes hésitations, malgré toutes les volontés qui essayeraient de me retenir… Ce que j’éprouvais en sa présence était non seulement de la frayeur, mais surtout une tristesse sans nom, une impression de solitude désolée, d’abandon, d’exil… Et je repartis en courant, la figure très bouleversée, je pense, et les cheveux tourmentés par le vent, avec une hâte extrême d’arriver auprès de ma mère, de me serrer contre elle, de me faire consoler de mille angoisses anticipées, inexpressibles, qui m’avaient étreint le cœur à la vue de ces grandes étendues vertes et profondes (...)
PIERRE LOTI
Le Roman d'un Enfant