LA CANICULE...
La canicule est morbide, elle sue comme la cohue au bord de la mer. Elle me glace de frissons au royaume vicié de la vie brûlée, véhiculée de fausses urgences. La canicule assèche comme le cœur des hommes assoiffés de paraître et qui se débattent rapidement ensemble au bout du temps escompté, sur les mêmes routes enclavées, encombrées de légèretés.
Partout, sur les chemins accessibles, la canicule signe ses miasmes; on la retrouve au bord de l'eau, contre les roues du tout-terrain, à l'étrave du voilier motorisé par manque de brise, le long du sentier, pressée comme le besoin, malodorante comme les déchets, sur les routes avec les chauffards, aux péages avec ses débits hallucinants ! Elle n'est pas de l'ordre des choses, du monde et des saisons, du cosmos ni de l'univers ; touffeurs irrespirables, nuage de maux glauques et vitreux, témoin implacable au soupirail des fours, attisant la forge diabolique du progrès, du "Monstre " !
Mais en mer, comme en haute montagne, l'air résiste, il respire encore. Des îlots de fraîcheur remontent de la nuit. Je vais, avec le cœur et la passion, pieds nus, prendre le pouls de la terre, le tempo de la houle, loin du tumulte et des artifices urbains. Des cimes, des crêtes ou du large, je vois très nettement le bandeau rouge de la terre barrant le regard des agglomérations. Il est opaque, presque sanglant, imitant les brumes ocres du matin. Il arrive parfois qu'il coupe la montagne en deux, noyant les plaines et la ville, méprisant un espoir d'île !...
Là - bas, on se déchaine avec le thermomètre, dans la moiteur organisée et réglée des carrefours, l'épaisseur des trottoirs. Il n' y a pas un souffle, les moteurs chauffent et grondent, le temps s'immobilise ou recule, demeure sans aucune pensée, possédé d'immédiats, démuni d'instants sains, spontanés. Il se détend, s'éparpille en achats, on acquiert, on flâne absent, inconscient, assommé par la chaleur des avenues que les savants ont tracées de va et vient épuisants. L'existence s'écoule, abreuvée de nouvelles humanités, déjà morte ou noyée d'abondances.
La canicule, c'est l'assurance d'une chape de plomb qui plane sur la modernité, ce mensonge complaisant de la technologie et des profits, ces statistiques mensongères qui précipitent l'opinion dans l'assurance d'un confort sursitaire, isolant toujours plus l'adage, le dicton et les anciens des réalités d'un monde à jamais perdu.
On les a laissés seuls, avec leurs réminiscences ou leurs certitudes d'enfants qui font sourire et qu'on affiche en riant; ils affrontent en silences l'immobilisme des dernières années. Août ne leur appartient plus, nous leur avons volé trois saisons!
La canicule, c'est l'impérialisme, la trahison, la conquête des saisons,
Alors, je dis, je parle, je vais aller, avec mes mots et mes souvenirs conter Juillet et ses aubes fraîches, Août et ses soirées déjà nostalgiques aux balcons frileux des étoiles. Je raconte aussi ces brises diurnes, qui de la mer, gagnaient les golfes et les vallées, partout, tout autour de l'Île.
Je remonterai les cols, vers le plateau, attendre l'orage et le troupeau, voir l'herbe reverdir puis je redescendrai après le 15 Août au village, allumer le premier feu, je verrai naître Septembre et l'entre-saison...
La canicule, c'est maintenant l'artère, le serpent de métal qui fume dans la plaine, immense et tortueux. Les sommets vacillent dans le mirage chauffés à blanc et troubles de l'or noir parti en fumée, ce sont ces poches d'air nauséabonds qui ont évincé les souffles thermiques que la mer et la montagne avaient pensés pour les hommes de bonnes volonté d'antan, affairés aux champs.
La canicule c'est la dénégation du temps épris de vitesse, l'âme aux abois qui ne trouve plus de mots ou qui s'affole, vilipende, bousculant la vérité du monde au zénith consternant du savoir isolé, fissuré d'erreurs.
La canicule, c'est le nouveau monde, celui que l'argent roi intronise et pour lequel on vend son âme dans les grands flux migratoires saisonniers , à travers tous les exutoires de la vie trépidantes de l'acier, du billet vert. Elle est l'expression diabolique, contorsionnée, désespérée d'un système qui a basculé du seul côté des hommes et du pouvoir.
LA CANICULE, C'EST LA DOMINANCE
!!!
A plus de 1200 m, le thermomètre affiche 30° Centigrade, il est 12h Locales, le vent d'Est remonte de la vallée, étouffant. Il est chargé des vapeurs de la plaine, des golfes envahis de voitures des mers. Au loin, on ne distingue plus ce dédale merveilleux d'Îles qui épellent l'Orient. La mer grisonne, le ciel blanchit au dessus- des flots, il s'obscurcit à l'aplomb de la ville. Les températures vont s'inverser, l'Altitude va nous trahir et nous renier. C'est le début de la fin, le coq n'aura pas chanté trois fois, il n'y en a plus! La transhumance s'est éteinte, elle est silencieuse ; elle verse peut être ses dernières larmes au fond de la source parcimonieuse ? L'eau glacée sent la terre, elle garde pour un temps mesuré, le secret caché, la floraison éparse et sûre des plus belles années de la terre et du ciel
.
Au petit matin, l'air frais des montagnes ne voulait pas des miasmes d'en bas... Elles ont alors pesé de toute leur hauteur pour les renvoyer dans les bas-fonds. La mer de nuages en gardera pour un temps les effluves indésirables avant d'être dévorée par les gaz brûlants des bateaux et des voitures...