FEVRIER...
Un mois d'hiver profond et cru, presque lourd tant le vent du Nord plisse, contrarie et marque les traits au visage de l'éternel. Une bise glacée qui redouble d'ardeur dans les rafales et qui zèbre la mer, qui semble l'empeser ; c'est là son baiser de sels... Ce n'est pas la montagne ni les étendues blanches et gelées, figées de la Mer de Glace mais ici, le froid s'envole, mouille, recouvre et pénètre insidieusement par le moindre interstice, l'infime négligence et l'oubli.
Les mains s'agrippent à la matière inerte, à la texture du progrès et récoltent la douloureuse onglée. Une redoutable barre me ceint le front et les tempes, me plongeant vers l'indicible respect que je voue aux créatures de l'Océan qui affrontent l'impensable, respirent l'eau ou soufflent l'air à l'évent d'un cœur immense ...
Qu'importe! pas une parcelle de ces étendues mouvantes ne se ressemble, il y a dans le Grand Sud des Ergs liquides, bleutés, aux dunes translucides et précieuses, dorés aux soleils traversiers des solstices, accomplis dans les silences et les solitudes de l'oiseau, barrés des haubans pourpres et des augures du couchant.
Et puis, ces illusions, ces songes de cieux qui glissent et s'échappent en liesse par dessus - dessous avec la légèreté de l'embrun ou de l'alcyon, ces incessantes invites à la déraison et aussi à l'abnégation, cette descente aux enfers dans la vague glauque, l'envol fou et prématuré en pleine empyrée !
Oui ! c'est en hiver que je pense et vis la mer, quand froncent avec rudesse les vastes prairies balayées par les bourrasques blanches et le trille lointain des anges marins. La mer, n'est pas seulement une forme de corps brandie dans les arcanes du Web et vers on ne saurait quel record, quelle mesure, un hypothétique filigrane d'éphémère mais elle demeure cette source inextinguible de vies, de miroirs féeriques qui vous donnent de l'existence le plus éthéré des reflets.
Moirée, diaprée, ondée, opalescente, iridescente, efflorescente, étamée, émail, toute la panoplie chromatique du bleu et du vert défile sous nos yeux émerveillés ... Les adjectifs ne suffisent point, feignent de piètres qualificatifs pour en circonscrire les inépuisables joyaux, les frissons insaisissables de l'atmosphère, les caresses du vent à la mer coiffée des chevelures d'écume embrassant les rivages d'une Île en sommeil.
Au coeur du froid, des lames, rien est à vendre, à galvauder ; pas même le souvenir de soi extasié où je deviens ce réfugié d'un monde effréné, une infime goutte d'eau, une âme à la mer !
Et pourtant, je " nous " regarde de là-bas, apaisé, si loin de la rive et du large, confinés dans un univers de cloisons et de faux petits chefs tant ils prolifèrent... Les poussières d'un temps brisé que je respire n'ont pas la sapidité de l'iode et du sel, de l'écume désaltérante et pétillante des jours qui reviennent comme les vagues fleurir les berges et les petits pâtres sans discernement
Ces hommes qui sont pourtant avides d'humanités, au cœur éblouissant de la mer, de Février
2 ème Ecriture le 08.03.2012