TERRE - OCEAN, LE DERNIER MOT DU CAPITAINE
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TERRE - OCÉAN
LE SITE DE LA BOUDEUSE ET SES MISSIONS SCIENTIFIQUES A TRAVERS
LE MONDE
Je me permets de publier cette Lettre du Capitaine
- Patrice Franceschi -
datée du 1 er Juin 2010, alors que la Mission est gravement compromise. Visitez ce Site, découvrez-en tous les enjeux pour l'Homme et la Nature, ces expériences uniques de fusions et d'alliances avec l'Humanité dans le sens noble du terme aujourd'hui galvaudé et réduit à ses seules dimensions politico - financières
LE MOT DU CAPITAINE
Vous avez pu lire dans l’actualité de ce site le communiqué de presse annonçant la fin de la mission TERRE-OCÉAN et la vente de La Boudeuse devenue inéluctable sous la pression de l’endettement et des créanciers. Vous avez droit à quelques explications complémentaires. Les voici:
Malgré la participation des entreprises et institutions dont la liste est présente sur ce site internet, il n’a jamais été possible de réunir la totalité du budget de l’opération, pourtant réduit à son strict minimum: 1M€ par an une fois payés les frais de la préparation du navire et de l’expédition elle-même. En conséquence de quoi, au moment de l’arrivée de La Boudeuse en Amérique du Sud fin décembre 2009, les moyens financiers disponibles étaient déjà épuisés.
A ce moment-là, entre abandonner la mission faute de moyens ou prendre le risque d’un endettement pour la continuer, nous avons opté pour ce dernier choix, espérant que cet ultra-volontarisme doublé de la réussite de la mission sur le terrain forcerait le destin et permettrait de trouver les fonds nécessaires. Après cinq mois d’endettement et en dépit du succès des expéditions en Amazonie française, force est de constater qu’il n’en a rien été malgré des efforts déployés tous azimuts. Sans doute l’époque n’est-elle plus à ce type d’engagement et au rêve désintéressé. La « crise » est aussi passée par là avec ses « restrictions budgétaires » et n’a, certes pas, contribué à dynamiser les esprits.
Quoi qu’il en soit, l’endettement immédiatement exigible avoisine les 400.000 euros et ne permet plus aucune marge de manœuvre même si nous voulions prendre encore davantage de risques. Vous l’aurez compris, les mathématiques comptables, inexorables et implacables dans leur roide froideur, ont fini par nous rattraper et nous imposer leur joug. Mettre fin à la mission et vendre le navire n’est donc pas, d’une certaine manière, un choix mais une conséquence.
Je laisse à chacun d’entre vous le soin d’interpréter ce qui a été, ce qui est, et ce qui aurait dû être. Comme d’interpréter ce qui aurait pu être en d’autres temps ou d’autres lieux, avec d’autres hommes.
Puisque tout est dit désormais, je tiens à rendre un dernier hommage public aux hommes et femmes de mon équipage. Ils ont été plus d’une cinquantaine à n’avoir jamais démérité, bien au contraire. Malgré les vicissitudes et l’âpreté de notre combat, l’infortune et l’adversité inhérentes à toute aventure véritable, ils ont été à la hauteur de leur mission, et même au dessus, depuis les tempêtes du golfe de Gascogne jusqu’à la boue des marais d’Amazonie, forgeant encore davantage leur caractère dans les épreuves surmontées ensemble. Qu’ils en soient remerciés ici, et assurés en même temps qu’il y a toujours une part de victoire dans la défaite quand celle-ci n’a rien à voir avec la compétence ou la volonté, encore moins avec le courage ou le désintéressement. Si la providence le veut, nous nous retrouverons un jour pour d’autres engagements, d’autres aventures.
Je tiens également à exprimer mes remerciements les plus sincères à la Marine Nationale dont le soutien ne s’est jamais démenti et à la poignée d’hommes et de femmes qui ont accompagné l’existence de La Boudeuse jusqu’au bout. Ils avaient la tête épique et romanesque et se reconnaîtront sans peine.
Ma première préoccupation désormais va être d’une redoutable simplicité: tenter autant que faire se peut de trouver un acheteur qui conservera à La Boudeuse son pavillon français pour que ne se délite pas davantage encore le patrimoine maritime national déjà l’un des plus ténus d’Europe. La Boudeuse était l’un des très rares trois-mâts français encore existant et le seul au monde à naviguer sur toutes les mers du globe pour perpétuer l’esprit des grandes expéditions maritimes du « Siècle des Lumières ». Il exprimait aussi, disons-le, une forme de liberté. Nous aimerions qu’il conserve au moins une part de cette grandeur qui déserte nos sociétés. Sans doute s’agit-il d’un combat d’arrière-garde compte tenu de l’esprit du temps et de ce qui vient de se passer, mais ce combat sera mené.
Après quoi, tout continuera. Car, naturellement, et malgré le paradoxe, rien n’est terminé. J’entends par là que la perte de La Boudeuse, aussi triste soit-elle pour nous et tous ceux qui aiment la mer, ne marque pas une fin mais le début d’autre chose. Nous le lui devons bien.
Alors, même si cet « autre chose » n’existe pas encore, il ne reste plus qu’à affirmer comme dans les romans populaires d’autrefois: « En avant pour de nouvelles aventures… »
Patrice Franceschi,
Capitaine de La Boudeuse, 1er juin 2010