VAISSEAU FANTÔME ...
Je le vis surgir lentement, lointainement, toisant les collines et les caps d'une Île que l'on devinait à peine, noyé dans les brumes matinales de septembre et du Libecciu. Les voiles s'établissaient peu à peu au vent, s'élevaient entre les quatre mâts de ce voilier magnifique. Il glissait, affichant aussi une immobilité parfaite et silencieuse, comme si le temps et la durée n'avaient eu aucune prise sur lui dans l'éclatante blancheur des rêves. Aux premiers rayons du soleil levant il se dirigeait vers le Détroit de Bunifazziu, rappelant solennellement l'aventure de la Sémillante qui, il y a plus de 150 ans, se rendant en Crimée avec 700 Marins et Soldats à bord, qui fit naufrage vers les îles Lavezzi, lors d'une effroyable Tempête de Ponant.
Image ou évocation d'un passé révolu, accessible peut-être encore à quelques privilèges de classe ou de fortune, là où la Providence bat de plus en plus des ailes déchues de la justice et de l'équité.
Ce qui revêtait il y a plus d'un siècle la livrée des jours sans fin tombe aujourd'hui sous le joug de la distinction et de la richesse. Il en va ainsi dans tous les secteurs et les domaines de la quotidienneté moderne, de l'évolution ; il faut en payer l'injuste prix ! accéder à de telles croisières n'est plus à la portée de tout le monde. La navigation à voile et de surcroît à bord de vieux gréements, de voiliers prestigieux fait recettes - fleurons de la marine marchande ou de croisière arborant les grands pavois et les plus riches pavillons de complaisance - ; elle reste aujourd'hui l'apanage des grandes destinées, le témoignage indubitable d'une ascension sociale avérée fortunée
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