L' ALLEGORIE DU NAVIRE - SAINT -EXUPERY
IV
" ( ... ) Et si j'ai su bâtir ma demeure assez vaste pour donner un sens jusqu'aux étoiles, alors s'ils se hasardent la nuit sur leurs seuils et qu'ils lèvent la tête, il rendront grâce à Dieu de mener si bien ces navires. Et si je la bâtis assez durable pour qu'elle contienne la vie dans sa durée, alors ils iront de fête en fête comme de vestibule en vestibule, sachant où ils vont, et découvrant au travers de la vie diverse, le visage de Dieu.
Citadelle ! Je t'ai donc bâtie comme un navire. Je t'ai clouée, gréée, puis lâchée dans le temps qui n'est plus qu'un vent favorable.
Navire des hommes, sans lequel il manquerait l'éternité !
Mais je les connais, les menaces qui pèsent contre mon navire. Toujours tourmenté par la mer obscure du dehors. Et par les autres images possibles.Car il est toujours possible de jeter bas le temple et d'en prélever les pierres pour un autre temple. Et l'autre n'est ni plus vrai, ni plus faux, ni plus juste, ni plus injuste. Et nul ne connaîtra le désastre, car la qualité du silence ne s'est pas inscrite dans le tas de pierres.
C'est pourquoi je désire qu'ils épaulent solidement les maîtres-couples du navire. Afin de les sauver de génération et génération, car je n'embellirai point un temple si je le recommence à chaque instant .
V
CITADELLE
IV
Page: 33
Édition / Gallimard nrf - 1949 -
PHOTO :
wallpaper.wibweb.info/.../epave-bateau.htm