LES ÎLOTS DE TUNARA
Paradis des Goélands, destination de rêves pour les adeptes du " Vol Libre ", un golfe emmené dans les fantaisies du temps abrite quelques îlots non dénués d'intérêts.
Nombreux et regroupés, gagnant le Sud, ils auraient été tentés de briser les fortes lames du Mistral et du Libecciu, de multiplier à l'infini les vagues jetées à l'assaut des baies sablonneuses pour y inventer les jeux des enfants de l'eau...
Je les sais aussi, creusant la mer de profonds vallons et défiant encore les outrages des hommes aux rivages !
Mais au-delà, je vois ces écueils que l'écume submerge et blanchit, qui inondent de volutes ocres et révulsées l'azur des cieux et de la mer, les rendant encore plus bleus, plus profonds, d'encre mêlée d'histoires tragiques et sanglantes comme les suppliques d'une terre portée le plus loin en mer et pleurant " a Barbara Furtuna ", les bagnes de Sardaigne, ceux de Toulon et bien d'autres gémonies ....
Ces Éclats de Terre que les flots préservent encore de l'intrus, couvent les nichées et se vêtent de fleurs rares ; d'étranges élus les butinent et les dispersent. Au vent de toutes les bourrasques, ils demeurent au commencement des mondes, ceints de l'auréole diaprée des fonds, comme un lointain récif.
L'hiver, le soleil décline et se brise entre les rochers. Les déferlantes tonnent dans un fracas d'écume et d'embruns ; les coups de vents et l'élan du large apprêtent inlassablement leurs messagères tout autour des îlots et quand le temps est à la renverse, la mer prend des allures de chevauchées sauvages, crinières livrées aux souffles de la terre.
Juchés au fond d'un golfe immense que la vue égare et étire, il me semble les voir dériver au gré du Levante, de ce vent d'Est qui dévale de tous les vallons verdoyants de la côte occidentale de l'Île. La mer et le ciel d'un bleu intense feignent de les éloigner, de les emporter vers l'horizon comme si ils voulaient les protéger, conférant à ce tableau de maître l'aura des terres perdues et sauvages que les vents fredonnent en les dessinant ...
Quant à l'été, ils flottent dans les touffeurs humides et par manque de brise, étincellent comme l'argent qui coule à flot, mais cet argent-là est pur et immensément pérenne...!
Les jours de tempête, les gerbes de vagues que les rafales dénouent gagnent les nuages, rivalisent avec les coursiers des cieux.
Alors et en vain, les îlots de Tunnara tissent quelques mailles de filet, tressent les galbes de ces nasses en bois de myrte, tracent éperdument le sillage dansant des barques de pêches disparues du petit port naturel, au seuil de l'abîme et qui veillaient le banc de thons ; ils se souviennent quand je croise l'onde et l'envol de l'oiseau !