ANDRE SUARES - LE PAYS DE PENMARC' H
C'est la " tristesse terrible, sans espoir, sans consolation, sans retour " du pays de Penmarc'h qu'il évoque ici. Un pays " où tout se fait abîme " .
R. Vercel
On éprouve mieux encore ce que la vie a d'enfantin, et la vanité de ses promesses à l'aspect de ces puissances éternelles, parce qu'elles sont infécondes : la terre de granit, et la mer désespérée.
Que ferait ici le jardin ? et même la forêt ? Point de feuillages ; ils amollissent la ligne des pierres. Et le chant des oiseaux ferait pitié, près de la lamentation immense, qui obsède l'espace. Les feuilles ont le charme des enfants, jouant écheveulés et rieurs sous les yeux de leurs mères. Ici, l'oeil du ciel est fermé. Que les oiseaux, en Arcadie, gazouillent au soleil, comme brunissent les feuilles ; mais ce n'est plus qu'un sifflement piteux qui vient des créatures, quand les mornes immensités se parlent et qu'au souffle de la marée les îles et les rocs se comparent.
Un sombre pays, plus beau que sous le soleil et la lumière, beau comme le ciel sombre. Le vent perfide ne souffle encore que de côté. et, jusqu'ici, faiblement. Mais déjà les vagues roulent avec fracas. Le murmure est éternel, _ et presque toujours la violence. C'est un canton en deuil, un littoral sans pitié, le plus riche en naufrages. Et même à terre, la côte est pleine de dangers. Les lames sourdes, parfois, se forment et balayent tout ce qu'elles touchent, sournoises comme la mort, rapides comme l'infortune.
André SUARES - 1868 - 1948
Le Livre de l'Emeraude
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