LA TEMPÊTE ET SON ÎLE ...!
Rarement lendemain de Tempête n'avait effleuré les rivages du Grand Sud de l'Île de Corse comme elle le fit en ce jour fragile de Janvier. Le vent avait soufflé toute la nuit avec rage et furie. Dans le ciel parsemé d'étoiles, le premier quartier de lune fendait les nuages de sa lame d'argent. Les cimes de la chaîne de montagne toute proche semblaient les délivrer. Et ils dévalaient pentes et versants Est de l'Île au diapason du souffle et du mugissement du vent, vers l'autre mer, au-delà de l'Île de Corse, vers le Levant.
Les arbres, chênes et oliviers entremêlés, craquaient, ployaient à se rompre, ondulaient et s'agitaient telles de longues tentacules. Ils innondaient la campagne de feuilles vertes et de jeunes branches que les rafales arrachaient. Une vieille bâtisse de pierres ocres, ouverte à tous les courants d'air et sans toit, rythmait ainsi les violentes rafales que l'on entendait venir de loin et qui emplissaient la vallée. Au petit jour, La tempête avait nettoyé le ciel laissant vers le Levant quelques scories ouatinées, des volutes de nuages à la base sombre et grise que les vents précipitaient vers d'autres lointains.
Mais sur la côte offerte au Ponant, à la faveur d'un soleil généreux, les heures allaient s'adoucissant, limpides. Le vent du Nord, cristallin et vif, ravivait toutes les nuances de la terre et de la mer qui allaient à l'unisson des vagues, d'un grondement sourd et puissant. Perpétuel et magistral cantique. Balancement des cieux azurés que l'horizon nouait indéfectiblement.
J'entendais, j'écoutais inlassablement la tempête rendre et porter aux rivages les tourments de la nuit, les mystères du large en déroulant sous mes yeux les révélations des hautes solitudes. Les ondes massives, espacées, nombreuses et régulières paraient les golfes de leur blanche aura.
Les baies, les anses et chaque pan de côte rocheuse, chaque sablon rivalisait de beauté et d'éclat au soleil bas et traversier de l'hiver.
Ce vent rebelle soulevait les vagues, les retenait et mille chevauchées sauvages gagnaient le grand champ de la mer comme l'écho des montagnes rend au ravin, à la combe, le tumulte des pierres ou celui de l'avalanche. La pleine nature décide comme elle accorde ses splendeurs peuplées de dangers.
_ Mais qui donne naissance à ces fresques immensurables et envoûtantes ?
_ Dis-moi, vieille âme, pourquoi reviens-tu ici contempler, embrasser d'un seul regard l'aura des vents et ces arcs-en-ciels que les rochers ceintrent et étreignent ?
Que je m'étonne encore ! De l'extrême pointe Sud de l'Île au Cap des tempêtes, ( Cap Marianon ), que les Îlots Moines gardent, pas une construction, aucune fausse note, aucun accroc à la terre ne vient souiller l'arène des cieux qui s'éploient vers l'infini. La tempête aura livré libre cours aux desseins de Kallistê ; Île et tempête se seront ainsi confiées l'une à l'autre.
Une aura passée et valant pacte immémorial. Cortège aux merveilleux atours que les élèments façonnent, ne laissant sur les rives du temps que touches subtiles et immarcescibles fards, l'or des monts damasquinés de gemmes de sels marins et d'eau pure.
- MARIN -
2 ème Ecriture le 28.07.2012
3 ème Ecriture le 05 Octobre 2022