PER A TARRA CORSA
J'ai souvent évoqué les simlitudes qui pouvaient apparaître entre les flots, la mer et la terre des sommets ; les éboulis, les morènes colossales que les hautes montagnes déversent jusqu'aux rivages. Bien que figées, polies par l'eau et les vents, ces volutes de pierres mordorées semblent se mouvoir et onduler. Alors, vers l'infini et dans l'azur, l'univers prend forme, il se détache et vogue avec les nuages, comme des pensers d'îles.
Et les crêtes et les cîmes dansent au-delà du regard, ricochent et se perdent tel l'embrun des ciels et des vagues aux voiles d'albâtre ; une poudre kaoline, étincelante au soleil bas et traversier de l'hiver, arcatures des mille arcs-en-ciels ineffables qui nimbent le sillage du marin.
Bien des grands voyageurs auront ainsi à rapprocher, à confondre la nature de leurs errances ; ne recèlent-elles pas quelques communes visions hauturières, de grand large et de navigation. J'aime ces parallèles qui fondent les hommes de cette trempe, ces êtres au regard large et franc, lointain et aussi profond que l'antre de la vague, le dièdre et la fissure du rocher qui éclate au gel mordant des frimas. Ces aventuriers des déserts et des grandes solitudes où l'infiniment petit, le grain de sable et la goutte d'eau participent de l'immensité, de l'éternité, de l'infini et d'où ils renaissent inlassablement et se reconnaissent enfin ...!
Là, il n'est point besoin de l'image factice, de ces artéfacts superficiels à vendre et qui vont, prétendent se substituer à l'oeil, à l'âme unique d'un regard, d'un fils de la terre et des océans. Non, en ces contrées d'absolue vérité, d'absoluité souveraine, de jeune lumière, de tendre brise, la nature se passe de l'image et surtout de l'homme pour signer ses splendeurs, son essence inexorablement îlienne, insulaire, unique.
Et il faudra accorder aux mots qui les encencent le juste accord, l'harmonie que nous leur devons non par souci de gains et de profits mais tout simplement par cette reconnaissance gratifiante qui fait de l'homme et de sa terre le plus beau des hymens, la fidélité et l'ancrage du Marin à Terre...
Je voyais au loin des collines d'eau virides et le maquis resplendissant déferler, accourir l'un vers l'autre. Entre deux îles, les montagnes se dessinaient sous des avalanches de nuages et le soleil s'enrochait gravement comme un oracle. Une fresque marine annonçait la tempête de neige vers les hauts plateaux, emplissant le détroit de congères parties à l'assaut des cieux. Au tonnerre qui roulait, les vagues répondaient à l'unisson des enclumes ouatées louant et vêtant les dieux de l'Olympe .
Quel chaos, quel tumulte divinement ordonné submergeait de silence et d'absence les rives d'un siècle offenses, consacraient l'oeuvre de la création. Là, à mes pieds, dans l'océan d'un regard, d'un seul mot à la dérive des sens, comme une rime, s'édifiait un cantique à la vie !
Je voyais à genoux la foule se précipiter comme une marée, la terre tremblait et lançait ses vagues meurtrières à l'assaut de la hideur et de l'entassement vile et cupide. On y mourait par centaines de milliers ! Une âme à la mer glissait sur l'onde. Elle était la vie. La vie sereine de l'autre côté du vaste monde. Cruel paradoxe que le profit et l'esclavage commandent aux humbles et aux nécessiteux qui nous comblent.
Les bourreaux et les assassins dénient à la nature ses élans de vérités, de beautés et de libertés...
Alors, oui, écrire pour ne pas vendre ses mots comme on vend l'image... Les partager afin qu'ils pénètrent encore plus profondément dans l'Esprit du monde, au vaste coeur que l'on sent battre comme un choeur d'Îles rebelles et libres.
Dis-moi, homme libre, vois-tu ce que les séides font de cette Terre ? Où est ce visage d'antan dont les tiens soulignaient les traits harmonieux des quatre saisons ?
2 ème Ecriture le 03.02.2014