BONIFACIO LE CHOEUR DE LA MER
Bunifazziu, cusi un sonniu incu Svegliu d'Isula ...
Je vous conseille : " Urienti "
Ce Post, cette modeste prose sera une contribution à la Journée Poésie qui se déroulera en la Cité des Falaises le 29.09.2012
Tandis que la Haute-Ville s'éploie à l'abri de l'édifice séculaire de la citadelle, le port en contre-bas, enchâssé et tout autant paisible offre au marin la clémence et la prodigalité d'une merveilleuse thébaïde. L'éclat du désert et l'aveuglante blancheur de la craie côtoient la source viride de l'oasis que le chant des puffins, la joie des goélands louangent incessamment. Ainsi voguent la pensée et l'imaginaire sous la terre, aux-dessus des flots ; le temps n'est plus qu'une illusion qui s'offre à l'émotion, l'espace, une allégeance à la beauté souveraine et solennelle du chaos magnifié. De ce temple de la Nature monte comme un plain chant l'ode à l'azur. Les arcs-en-ciel y lient les clochers, chaque tombe à la mer, aux cimes des îles qui illuminent comme les phares les voies béantes de la sagesse croisant à la rencontre des mondes
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Je n'évoquerai pas le détroit, l'isthme, quelques bras de mer défendant jalousement les terres vierges et convoitées ; je ne m'accorderai pas de décrire " les Bouches ", plus communément nommées ainsi, qui sait, à juste titre, l'été ... Mais j'y associerai indéfectiblement le nom d'une petite ville secrète et mystérieuse, sans âge, juchée sur les surplombs et les ressauts d'un calcaire primaire. Une cité appendue au vide, au sommet de falaises découpées, défiant les grains de sable acérés et colossaux tombés dans la mer pour scander perpétuellement le pouls de la Grande Bleue. Ces tombants que les vents délitent, clivent et gravent indéfiniment comme un parchemin et que les vagues incisent et ouvragent sans outrage telle la turquoise et l'émeraude ultramarines. Les travailleurs de la mer sont là, vénérables et circonstanciels, qui délinéent le cirque d'une ex-île et ses ciels d'outre tombe. Pas d'estran ni de laisse de mer mais de fins liserés satinés festonnant l'aura d'un rêve parvenu en quelques franges d'extrêmes tensions, aux pieds de l'harmonie, à l'exaltation ! Intailles ou émaux, la mer en camées enivre un rivage sans marées...
Une terre étincelante, à l'orée du sacré émerge des flots. Chutes vertigineuses pour qui se livre au grand bleu, se prend à embrasser les cieux, à les confondre. L'horizon s'invite. Les hommes et les marins en partance, convolent sur le retour avec les oiseaux, cheminent vers l'éternel berceau des dauphins en croisant la migration des thons.
Vastes étendues que je contemple et sillonne quand le regard ne suffit plus ! Ainsi de la révélation, d'un miracle lorsque les flots et les vents m'emportent sur un esquif vélivole, naviguant au-delà de tout.
Vous m'aurez toujours accordé, au large, clémence et mansuétude... J'entrevois des lointains, de l'azur, tant de cryptes et d'antres votifs où l'espoir vacille et renaît telle la flamme multiple de l'amour.
Si près des châsses endormies, des retables, je me livre au recueillement, aux élans du choeur en chaque chapelle qui se love dans les venelles de la Haute-Ville. Ces ruelles étroites et si profondes, orgues vocales des temps immémoriaux dont les rafales décuplent les sons. Au-delà des murailles, d'un territoire ceint d'immensités, montent la polyphonie ancestrale des hommes voués au silence de la mer.
Je reviendrai à toujours louer ces lieux de Sainte-Trinité, dussé-je en perdre l'ivresse ou la vie, humblement, unitivement, très certainement.
Une lanterne inanimée depuis bien longtemps veille au-dessus du dédale minéral et de son mémorial. Qui aurait vu passer Ulysse et ses compagnons touchant du rostre de leur trirème au Cap Marianon ? Que dire de ces stylites de granit mordorés roulant vers la mer, de ces cyclopes de pierre figés entre deux univers géologiques hallucinant la diversité de ces lieux qui nous content la création.
Nonchalamment, à bord d'un vieux rêve, glissent sous nos yeux les voiles latines fabulant les bordées des contrebandiers que le Levant pousse. Dahabiés et felouques maures croisent de puis le Nil !... Perplexe, incompréhensiblement, ce balcon sur la mer m'entraîne vers l'Orient.
Où naissent vraiment les redoutables Bouches de Bonifacio, quelle pointe, quel cap soulignerait la commissure d'un harmonieux sourire au temps, les abrupts d'une terre éclatée depuis Genèse ?
Les Bouches, antre titanesque entrouvert depuis le Lion et Asinara, les écueils perdus - Sperdutu - avalent et canalisent les éléments déchaînés entre de solides verticales. Les vents légendaires, les bourrasques les plus folles, déraisonnées, inimaginables, fusent. D'ouest en Est, contre les courants dominants, qu'importe ! Sitôt dans le bain, le jour à la nuit ressemble, enjoignent de fuir l'ouragan !
Je dédie ces pensées et ce texte à la mémoire des marins de la Sémillante naufragée dont la clameur et l'effroi - rapporte-t-on - ricochèrent comme un seul cri contre les remparts de la citadelle un jour de " Libeci " mémorable ; on vit alors les vallées du Grand Sud se couvrir d'embruns, de sels, à plusieurs lieux alentour. Des îlots Moines à Sperdutu, la tempête honora le verdict des Bouches en se dressant contre les menées martiales des hommes partis guerroyer en Crimée...
Mais ces domaines de vertiges, d'irrepressibles élans nous convient aussi au voyage. On y décèle de toutes parts les vagues d'étraves d'un céleste vaisseau fendant les mers du vent, se hissant sur les cimes ondées de l'antique souvenance des îles, parcourue de chevaux blancs. Les chars de l'hiver surgissent des confins de l'azur.
Du Causse, la mer se devine. Les montagnes dominent. Et les côtes brumeuses de l'île voisine révèlent l'île soeur, l'Île de Sardaigne, distante de quelques encablures, souvent battue par les houles.
Les abrupts se dressent si hauts qu'ils masquent le vide béant d'un plateau qui se serait abîmé soudainement dans les profondeurs. Gigantesque plaque livrée à la tectonique, chue dans la mer brutalement en noyant en une fraction de seconde et sans laisser de traces les témoignages et les vestiges qui demeurent intacts. Surplombant les précipices, les puffins s'abandonnent au vide. Le rituel du premier vol sonne comme une invite à la traversée. . La rose des vents dessine sur l'eau mille horizons, destine utant de levers et de couchers de soleil.
Les vents que l'on dit locaux nous parviennent de destinations éloquentes. Ils voyagent, chargés de parfums rivalisant avec les nards de l'Orient. Du Sahara nous parviennent les touffeurs ocres et moites. Les Galernes gelées du Mistral noir de l'inépuisable Bora des Carpates trament de rudes saisons ourdissant de terribles pièges.
Quant au Libeci, le vent doux et fou, il hale le Sud-Ouest. Ses ciels bas et lourds fuient comme la lande au ras des collines. On l'entend qui résonne, qui tonne, obstinément ; puissante houle qui semble sourdre du fond des grottes, des cavernes marines à ciel ouvert nichées sous la grande muraille de craie. On asssite parfois au souffle de la falaise et à ses jets d'écume ; bravades ou rare buféro des fluides pulvérisés inflitrant le piédestal vaincu des roches minées, fêlées.
Mais au-delà de la terre et du ciel, sous les grains puissants de la Tramontane d'hiver, les faisceaux de lumière éblouissants déclinent de l'aube au couchant le plain chant euphonique et minéral des îlots, ciblent les archipels, illuminent les îlets qui s'égarent à l'infini sous le vent des îles majeures, parsèment les prairies perses de luminances crues. Curieusement, le Ponant ne déploie pas vers la nuit tant de dangers, de passes, de traverses et d'écueils. Le Levant, L'entre-deux Îles moins profond semble être un corridor où les vents dominants commandent aux récifs subreptices. Les tempêtes seraient si fortes qu'en s'engouffrant, toute la mer contenue tel un torrent, dénuderait, userait le socle et la croûte terrestre, ne laissant apparaître que la roche la plus dure, à perte de vue... Les îles s'enfuient, ripent, déradent sous l'embrun, emportées par la fureur des grains et le galop des lames ; on les voit souvent flotter sur une ligne d'horizon évanescente paraissant voguer, tosser dans la mer gonflée d'cchymoses lointaines. C'est ainsi, depuis la nuit des temps, que les forges de Poséïdon, d'Héphaïstos, attisées par Eole polissent et sculptent la surface heurtée, brisée, montueuse et pétrée d'un brin de planète à la dérive, tant esseulée dix mois de l'année solaire. Les éclats d'îles roulent indéfiniment au diapason des vagues leurs galbes insaisissables et mouvants ; dans leurs figements, chimères plaintives submergées de songes, d'infini, de multitude ...
Visions fantasmagoriques d'une scène, d'un théâtre aux décors fantastiques et cyclopéens où mille créatures agencent un bestiaire inéffable. On y écoute la longue litanie des mondes que restitue la mémoire des flots et des brisants et qui nous revient d'ailleurs, du passé, familière, explorant déjà le futur, entre Art Premier et convulsions, symbolisme et réalités. En ces contrées d'extrême solitude émerge, lancinante et provoquante, l'ombre assassine des tankers et des gaziers, de ces navires glissant, fantômaux, au coeur d'une veine d'eau essentielle, risquant au milieu de la tempête pour quelques deniers et heures de mer en moins l'irréparable catastrophe. Valeurs et actifs inversés signant le passif injurieux d'une époque trahissant l'ordre et l'esprit souverains d'une destinée vouée à la beauté et aux splendeurs de l'étant.
Il m'arrive souvent de penser que ces deux îles sont apparues afin que l'on imagine plus aisemment l'au-delà des mers, l'horizon, d'autres terres résolument acceuillantes. Les nautonniers y lanceraient toujours leurs chants d'adieu ou de départ, celui du retour au pays ou à destination de la terre des hommes issue des volontés de la mer commune, matricielle, natale. Deux îles si proches jetant d'une rive à l'autre les germes et les ferments de l'échange et de la rencontre.
L'azur flamboie comme il resplendit aux champs parsemés et palpitants des ailes du vent, des voiles libres de voguer.
Réarmez les vieux moulins, animez à nouveau les phares afin que mille tourelles, mille lentilles exaltent l'âme vagabonde des marins courant l'aventure ! Abandonnez à l'erre du temps moderne le nom farouche et sordide de " Bouches ". Les navires y vomiraient la mort et le poison des cuves de brut. Préférez-lui l'image ou la pensée de l' être fabuleux, d'une sirène qui lui irait si bien, profondément vrai. Baptisez pour l'éternité ces hauts lieux de culture, d'échanges, de piété et d'histoire qui entonnent chaque soir, toutes les nuits le chant liturgique, l'écho du Ciel qui se reflète dans la psyché lactescente et lustrale des sédiments. En contre-bas, la pénéplaine marine fleurit et sème ces bouquets de vagues au gré de la brise de printemps. Quel spectacle font ces myriades de moutons blancs que dessine le vent sur la mer. Multitude animée d'un commun accord et qui porte inéxorablement au coeur de l'homme le message de la fraternité, de la différence, de la diversité ; un pont entre les terres.
Ainsi serait ce que suscitent les îles, afin de regagner ensemble le sens de la terre, des mots, de la représentation du réel comme volonté pacifique d'être et de demeurer en harmonie.
Que je m'évade, comme une humble prière ! L'air lourd et cristallin de l'hiver irise la lame. Sur le fil de l'existence je souligne le contour des îles qui portent aux ciels le vaste calice des mers... L'encens de Thétis infusée d'étoiles s'élève ; louanges à l'hécatombe hiémale des flots. Un vol d'hirondelles pérégrines, entre les îles, en défie l'élan. Clartés de la naissance, de l'autre rive, un instant, rendues à la vérité, aux métamorphoses !
Vivre un bout de monde, depuis la vire du temps, autant de regards transparents... Sans autres frontières et limites que la mer et le vent inondant de bleu une icône cerclée de blanc, que je sois, à toujours, de l'éternité et demeure
1 ère Ecriture le 21.09.2012 - Ce texte est en cours d'écriture -
2 ème Ecriture le 27.08.2019