JOSEPH MANDELSTAM !...
Lorsque les poètes Russes entonnent la Mer, ce n'est pas sans nous émouvoir ! Poésie très profonde, transports à travers les arcanes d'un temps aux âges qui ne sauraient jamais mourir ! mémoire collective que le flot et les nuages bercent au firmament, du Septentrion vers l'Orient, l'Empyrée ...
SILENTIUM
Née, elle ne l'est pas encore,
Celle qui paraît toute parole et musique
Et qui, pour autant, relie
Tout ce qui vit indissolublement.
Calme respiration des seins de la mer,
Mais le jour est follement clair.
Les pâles lilas de l'écume
Ont rempli le vase trouble et bleuté.
Que mes lèvres retrouvent
Le silence originel,
Telle une note cristalline,
Pure dès sa naissance !
Demeure, écume, ô Aphrodite !
Parole, retourne à la musique !
Et toi, coeur honteux,
Sois dissous dans le principe de la vie !
Joseph MANDELSTAM
LA PIERRE
Anthologie de la Poésie Russe
Insomnie. Homère. Voiles raidies par les vents.
J'ai lu jusqu'à la moitié la liste des navires,
Ce long envol de grues,
Jadis, dans le ciel d'Hellas.
Comme un triangle d'oiseaux migrateurs fiché dans les frontières,
Vers où voguez-vous, divine écume ?
Sur la tête des rois ? Troie seule, sans Hélène,
Pour vous qu'est-elle, ô mâles achéens ?
Le poète et la mer, tout est mu par l'amour.
Qui faut-il que j'écoute ? Voici qu'Homère s'est tu.
Voici que s'exclame et mugit la mer Noire,
Rampant vers mon chevet avec un lourd fracas.
( LA PIERRE )
Page 268 - 269
Édition BORDAS Traduction du Russe : E. RAIS et J. ROBERT