DESSINE - MOI UN DAUPHIN !...
OU DESTINE-MOI UN DAUPHIN
Croiser là-bas, c'est oublier la distance, le rivage, en faire abstraction pour un écueil, un récif lointain ! Une bordée sur la mer de la Tranquilité. La mer nous prend et nous rend, à sa guise, sans que la durée n'éprouve l'être en-durant... l'horizon des terres n'est que linéaments brisés de sommets enneigés, fragments de saisons qui se perdent dans les profondeurs d'un azur roi, si froid. Vers le large, l'immensité réfringente aurait la semblance de la voie lactée, en plein jour et à portée du regard. Mais ce qui ici diffère demeure la mouvance abyssale de l'atmosphère, du vide, l'espace commué en eau. Transparences dont l'obscurité des fonds ne doit ses mystères qu'à l'influence décroissante de la lumière qui s'abîme et se perd, inexorablement. Les vastes dalles de roches se laissent pourtant admirer à la faveur de l'ondulation de toute la mer, de la naissance des vagues, depuis les houles imposantes du large. C'est la saison des derniers frimas, soudains ; un temps imprévisible, capricieux, changeant que maintiennent des courants d'air glacés en basses couches ... Ainsi en est-il de ces Tramontanes, de ces vents du Nord qui glissent le long des côtes insulaires orientales, depuis les Balkans et le Septentrion et, précipitent leur flux en gagnant pointes, caps et détroits des Îles majeures. Les jours de tempêtes revêtent de terrifiants manteaux ; métamorphoses des nuées blanches et sombres sur les cieux confondus. C'est un autre monde que les oiseaux désertent pour se réfugier et se poser ensemble à l'abri de petites lagunes. Leur petite tête tournée en direction du vent dominant éprouvent, plaintives, les violentes rafales.
Une destination inhabituelle, désertée, laissée à la féerie des éléments, à la fantasmagorie minérale ouvrageant avec les bourrasques et les lames les sculptures les plus fantasques, étranges, impressionnantes que l'on puisse rencontrer. Les rochers des îlots tonnent et brasillent. Tout n'est que prismes, arcatures d'eau éphémères que le déferlement unissonant des vagues engendrent perpétuellement avec les rayons du soleil.
Les fonds qui affleurent garderont encore longtemps leurs secrets. Combien de fois faut-il en sillonner les étendues écumeuses et masquées pour glaner quelques arpents et joyaux de liberté ? Tracer sa route à travers un dédale de pierre et d'eau, aveuglément, sûrement, dans la confiance méritée que la mer lentement octroie ou accorde à chaque bordée vague et solitaire... et de ne jamais outrepasser ses faveurs, faillir à cette invite d'une autre dimension, sans qu'il eût fallu, au grand jamais, contrevenir à pareille beauté et sérénité, à cet isolement à la fois prodigue et solennel qui règne à l'entour.
Jamais scène ou théâtre eussent consenti à parfaire, à modeler autant l'harmonie et le chaos, l'instant comme l'éternel ; au loin ces critiques faites à l'encontre d'une prose dite ampoulée ou dithyrambique, affligeant le réel d'un récit de plagiats, raillant l'écrivailleur tentant de " singer " Hugo ou les autres ! Car ici, tout est bien palpable, vécu. les heures du jour déclinent leurs fresques lumineuses au fil des vagues et de moires bleutées que l'écume sertit comme l'orfèvre. Un tout odoriférant, de lourdes fragrances en partance depuis la terre du printemps vers la mer dont l'immarcescible jeunesse au front d'astres nimbés régénère chaque pensée qui va, qui éclot, qui se complaît dans l'unité fondamentale de la migration des dauphins, des Océanites.
C'est ainsi que l'âme pérégrine, enveloppant ces éclats d'Îles qui ne sont plus que le souvenir abyssal d'une osmose perdue. Seuls les oiseaux marins et les migrateurs le savent, louent encore en elles la thébaïde providentielle où lier entre eux fidèlement tous les liens de la subsistance, du renouveau, de la pérennité. Ils s'y retrouvent, se convient très certainement au gré de la nature et de l'éloignement, ne leur abandonnant que l'empreinte d'un respect sans borne, gage d'éternité, de fidélité.
Alors, me diriez-vous, pourquoi le Solo, la réclusion, ces dérades parfois insensées ? Comment laisser sur le quai la raison et ses travers, ses entraves ? Certainement pour tout ce qui ne se voit pas depuis les mondes de l'absurde, ces mondes où l'on se prévaut d'essences sans voir à ses pieds le miracle de l'iris, de la source qui sourd, des sternes naines remontant le temps.
Il n'est pas de sanctuaire, point de réserve ou de parc qui vaillent ! Cela circonscrit déjà une Nature galvaudée, menacée, blessée. C'est un constat, un bilan, l'assurance des forfaitures de l'homme infligées à la diversité rare du monde. Rien de tous ces dispositifs certes louables et malgré tout nécessaires ne pourra endiguer la funeste dérive d'un système technologique, d'une civilisation énergétique meurtrière à outrance !
Il fut un temps, une époque, avant l'homme, où les créatures vaguaient autour des mondes à leur guise et convenance, selon un rituel merveilleux engendrant la perpétuité, la fixité d'ineffables symbioses ! C'est vers ce point ultime d'absolu et de complétude que nous devrions toutes et tous tendre, afin de recouvrer le cours serein des plus simples choses.
MARIN - Pensées en Mer - En cours d'écriture !...