A perte de vue, le sable, les linéaments d'une côte insoupçonnée, secrète, qui lutte pour se cacher ! Dans les touffeurs précoces que la végétation dense exhale, vers les lointains, la terre se met à flotter. Mirage sur la ligne d'horizon. Seuls chantonnent les flots de la mer et la brise emplissant les pins d'une forêt éminemment maritime. Envoûtante alchimie que rien ne préside ou domine. Ainsi l'allant naturel des origines, d'une touche Divine, sans le hasard, ni la nécessité ! En guise de grumes, là, comme une offrande, le bois flotté des cours d'eau, éternel errant paré des contrées vierges éprises d'absolu, de vérité, d'étrangeté. Et mes pas vont, feutrés, crissant, se perdant dans l'abyssale candeur d'un grain de sable déclinant l'infini, que roulent les eaux mêlées de la mer et des rivières ; ô poème de l'étant, magie de l'étang, fixité charmeresse des temps, antan, ici, n'est plus que sursis.
MARIN
Si l'immense chaîne de montagne enneigée
avait été un plus noyée, lointainement,
dans les brumes matinales et vernales,
le long cordon littoral et la dune arasée
m'eussent convié en Afrique Occidentale,
vers l'Equateur, où les billes de bois
et les grumes, par milliers, viennent
s'échouer au gré des vents et des marées,
sous les ultimes ramures d'une forêt luxuriante.
De l'autre côté du croissant, la pinède comble la partie
maritime de la vallée, dense, inextricable.
Au coeur de ce jardin d'hivers, si divers, un
étang imposant, et naturellement abrité veille
à la pérennité de la vie, aux escales des grands
migrateurs. En chemin, on perçoit le clapotis
d'une eau frémissant à la brise du matin.
Et quand à la faveur d'une vaste clairière,
la haute futaie s'élance vers le ciel pour rivaliser
de lumière et d'ivresse avec les cimes, me revient alors
ce tableau envoûtant à travers lequel je voyageais,
petit, en 2 CV camionnette, sur les digues de terres ocreuses,
trversant les rizières du Cambodge, sous les averses de pluies
tropicales, pendant la mousson. Il ne manque plus
que les buffles placides, avec leurs longues cornes
recourbées, le corps enfoncé jusqu'au poitrail,
traînant l'areau et traçant les profonds sillons
dans la terre gorgée d'eau, et, çà et là, quelques cocotiers ...
Destinations toujours secrètes, épargnées ou
du moins encore peu fréquentées ; le moustique sévit,
on se perd vite au fil d'un dédale de chemins et de pistes
qui ne cessent de se multiplier. L'étendue de la forêt
ôte par moment tout repère au randonneur. L'immersion
dans ce bain de nature est totale ; le rêveur s'évade
hors du temps et des saisons, ceint de fleurs, noyé de senteurs.