Les lames reprennent à l'infini la lancinante litanie des solitudes hiémales que le Oud et les Percussions répercutent depuis le Bosphore !
Ne lâchez pas l'écoute de ce Titre, jusqu'à la fin : magistrale !
Une balise vibre comme elle oscille dans le pur azur du Ponant. Le Tournant du Grand Sud n'est plus très loin mais le vent du large l'esquive en glissant vers l'Île soeur, en filant les trente cinq noeuds du coup de vent ; un vent qui hâle le Nord-Ouest et prélude à décembre. Mirages d'un désert de dunes liquides insaisissables, fugaces ... Représentation en direct de l'infini !
Dans les clartés crues du couchant qui s'annonce, la mer aura pris les tons et les teintes virides des étendues houleuses. Mais à la côte, là où les remontées des fonds restent régulières et douces, la houle ne parvient pas encore à s'aligner, à épouser parfaitement le rivage en la parant de ce ruban, de ce feston d'écume permanent qui l'enceint en tonnant. L'île - une montagne dans la mer - est si haute que sous son vent les courants d'air s'affolent, tournoient et obliquent en élongeant le massif, la vaste chaîne de sommets qui dominent la plaine. Ainsi la mer mouvementée des vents déviés croise en précipitant leurs flots, ce qui rend la navigation plus lente et plus pénible, heurtée.
Au-delà, vers les horizons marins des profondeurs, de vagues prémices s'élèvent au-dessus du chaos et du tumulte de l'eau, semblent déjà se chevaucher. Il en est ainsi autour des hauts-fonds et des écueils où la mer, dit-on, travaille, ouvrage, gronde perpétuellement. Dans les golfes et les baies encaissés le calme pourtant règne malgré les vents forts qui dominent ; il faudra attendre les épisodes soutenus et durables des vents d'hiver pour que la mer s'empare ainsi de tous les dessins de la côte. Elle redonnera aux sablons, aux tombants accores et rocheux ces éclats de lumières et ces contrastes que nous leur connaissons de l'automne à la fin du printemps.
Les marins auront souvent évoqué plusieurs types de mer pour les avoir tous pratiqués, par tous les temps ! Ils savaient lire tous les indices infimes et majeurs que les grandes solitudes révèlent parfois, signes de mansuétude et parfois même, de grande miséricorde que la tempête octroie ! clémence de l'éternel au coeur de la démence !
Les oiseaux voyageurs, les poissons, les lumières du ciel et de la mer confondus, un parfum particulier, une parélie, un camaïeux explorant les teintes rougeoyantes du soleil couchant, la dérive d'un bout de bois, suffisaient à prévenir d'un danger au plus près du gros temps, de la houle, du grain ou tout simplement du quart paisible sous le croissant de lune.
Il était une fois la marine à voile, le marin, le voilier allant au diapason des éléments et de la nature, de l'océan, accordant à l'observation et à la mémoire, au récit, au journal de bord, tant de signes avérés aujourd'hui reléguées aux tréfonds des cales et des oubliettes... L'image viruelle des ciels foisonne et s'empare du rêve. Le dialogue à la fois muet et vénérable que l'homme et la mer amorçaient une fois ensemble, jusqu'au terme de la traversée, n'est plus ! Que seront devenues les observations, les interprétation des faits de mer dont à bord tout l'équipage partageait le mystère, confortait et commentait la bonne option du capitaine ou du commandant !
Oui, lire les signes du ciel et de la mer ; croiser pour espérer une vague rencontre au coeur de la solitude ! être un moment aux faveurs du large,livré au charme de l'onde scandée et pulsatile que les vents dominants impriment aux vastités ... Associer autant d'éléments pour enfin glaner un brin rare d'harmonie !
MARIN - Journal de Bord -