Embarque, Marin, embarque à bord de ce chant ! Il est de ce lyrisme qui ne tarit pas, que l'onde de la mer encense, dont chaque mot est linéament, lointain, vaste filigrane où danse la brume des songes, comme de belles sirènes voilées...
Que ce soit le chant d'une lampe ou bien la voix de la tempête, que ce soit le souffle du soir ou le gémissement de la mer, qui t'environne toujours, veille derrière toi une ample mélodie, tissée de mille voix, dans laquelle ton solo n'a sa place que de temps à autre. Savoir à quel moment c'est à toi d'attaquer, voilà le secret de ta solitude : tout comme l'art du vrai commerce c'est : de la hauteur des mots se laisser choir dans la mélodie une et commune.
Rainer Maria RILKE
Ô puisse l'homme ressentir avec plus d'humilité ce secret dont la terre est pleine jusque dans les moindres choses, puisse-t-il s'en faire avec plus de gravité le dépositaire, puisse-t-il supporter et percevoir combien il est terriblement difficile au lieu de le prendre à la légère.
Rainer Maria RILKE
Lettre du 16 juillet 1903.
extrait de " Lettres à un jeune poète "