Oeuvre Alberto GIACOMETTI
La Main et l'Homme qui Chavire
A CES PENSERS QUI VONT L'AMBLE
DE LA VIE ET DE LA MORT
Est-ce là le mal de terre l'ivre-
épithalame qui délivre l'âme
Et de n'être jamais plus qu'au choeur
de la mer aux caresses de l'espoir
L'infime poussière dont on dit
que la cécité comble enfin les infinis
Et pourtant que n'oserais-je pas ici allant
par l'errance entre parjure et opprobre
Une supplique y révèle un sépulcre
où s'abîme le cri mutique de l'exil
Les jeunes noyés aux portes de la joie
coudoient la migration bleue des étés
Et lorsqu'il me faut héler le béat
c'est le fat qui exulte devers un Ciel brisé
Le Christ et les Prophètes martyrisés
implorent le parvis des palais
Au nom des sacrosaintes libertés
trône l'homme-dieu par trop fort et laïc
Aisément joyeux quand des extrêmes
il se démarque comme il invoque la Pensée
Mais de renaître à l'océan sans sursis
humble présent rendu à l'Ineffable
Sans que le temps n'eût importé
ou sacrifié aux révélations du Verbe
Quelle fugue renoue avec le don
quel pari fou tranche l'amarre vitale
Lorsque de s'en remettre à l'Empyrée
au-delà des promesses des liens du sang
Dont on abreuve encore à corps à douleur
le commun des fosses des tranchées
Dénuement Immensurable Viduité
Ô prélude azuré aux vespérales vastités
Mon âme s'éprend d'un cantique
comme de l'appel océanique un cri
Depuis la jetée lancé par-delà le cap
scelle la foi aux vagues pures du silence
Exhume en se recueillant les menées
de la Traite et des splendeurs vaincues
Je serai encore et toujours chasme
nuit debout le veilleur d'une lueur
Sur l'amer ceint d'écume qu'enténèbrent
les flots âcres de la tourmente décébrée
Parce que j'entrevois l'empreinte et son souffle
En Esprit qui s'entent au Sacré
Comment apaiser la souvenance des flots
témoin sans retour d'un mal de terre
Dont le râle rudoyé et le souffrir de tout
tel le sillage referme et pense les plaies
De la mer immémoriale injustement létale
je sens sourdre comme un sanglot abyssal
Les larmes de Dieu sont aux immensités
ce que la candeur vaut au val immonde
Des mondes en souffrance de la faim
que domine et dresse le neuvième roi
La prière ne saurait y panser l'infâmie
extirper le malin qui en souille les arcanes
Tandis que les veaux d'or et de papier
dévoient à jamais les valeurs de l'Essence
Il n'est plus rien qui vaille terrestre-existence
N'en déplaise à un certain au dandy
Je ne suis ici-bas que l'enfant maudit
D'une vaine poésie De la nuit Le mal venu
Ailleurs déjà Graine dans la brise je peuple le lit
des ruisseaux loin du miroir sans tain
De l'histoire qui sévit comme elle échoue
épave à jamais flanquée sur les brisants
De l'infertilité à l'aune de la durée
vouée au paraître périssable des-possédés
Je gis ma vie sur l'intranquilité des contrées d'une terre
où la stupeur du regard innocent erre
Jamais plus les barreaux ni la cagée
ces cloaques où fermente le germe insipide
L'attavisme avide de laides rumeurs
les châsses y louent sans fin leurs horizons barrés
Au jour de vérité en cet heureux départ
que d'aucuns ne souillent de leur présence
L'instant solennel de mes retrouvailles
en revêtant les mimiques de l'hypocrite indifférence
Mes cendres seront du voyage de l'embrun
ailant les vagues de roches immaculées
Loin des figements de la poussière
de la glèbe froide et surie que sacre l'ignominie
J'irai accompagné d'une main fidèle et vraie
bercé au plus intime de la Grande Mer retrouvée
!
Mal de Terre
MARIN
Photo / Pauline HORELLOU