Le titre interpelle. Le Roman bouleverse. Quant au final : apothéose d'une pensée, d'une hypothèse !... L'auteur signe-là sa plus belle oeuvre en marge d'une poésie qui émeut comme elle secoue au tréfonds de l'âme. C'est une découverte, certes un peu tardive, mais cela importe si peu quand les mots lentement recouvrent la pente, prennent le juste envol en esprit et sans frontière ni limite. J'ai tant aimé cette fiction ancrée dans la plus prégnante des réalités, cette sensibilité à fleur de peau et si profonde à la fois d'un auteur en quête d'amour, d'espérance et de liberté pour avoir côtoyé solitudes et mille souffrances.
Comme si nous étions de l'errance spleenétique d'un Charles Baudelaire en Voyage, de l'une de ces dérades ailées et très rimbaldiennes, allants par le choeur des Illuminations : on ne se déprend plus de ces pages remarquables. On souhaiterait que le roman ne finisse jamais, être, re-vivre, tout recommencer, se transposer indéfiniment et rêver au futur antérieur, doublant çà et là quelques îles à recouver comme le plus précieux des présents ...
Mais de la possibilité d'une Île ? D'entre l'unique destinée, cet intervalle qui nous est mesuré et imparti et toute promesse d'immortalité, de probable retour, sommes - nous inscrit dans le socle commun de l'amour ?
Rejoignons au terme de ce voyage futuriste les rimes denses et admirables d'une époque, d'une odyssée que nous aurions laissée passer inconsidérément, irrémédiablement, sans en définir ni en embrasser assez les solennelles richesses, les trésors essentiels de la vie ... Je renais à ces vers comme aux Yeux d'Elsa, à la Centaine d'Amour, comme on aime à perdre la raison ou mourir, sur la voie de l'inaccessible étoile, en voyage ! Et de la poésie qui ne souffre d'aucuns jeux de maux par trop aisés ou communs, qui tend vers l'éclair de vérité !
Corsica...Go56
" LA POSSIBILITÉ D'UNE ÎLE "
Ma vie, ma vie, ma très ancienne
Mon premier voeu mal refermé
Mon premier amour infirmé,
Il a fallu que tu reviennes.
Il a fallu que je connaisse
Ce que la vie a de meilleur,
Quand deux corps jouent de leur bonheur
Et sans fin s'unissent et renaissent.
Entrée en dépendance entière,
Je sais le tremblement de l'être
L'hésitation à disparaître,
Le soleil qui frappe en lisière
Et l'amour, où tout est facile,
Où tout est donné dans l'instant ;
Il existe au milieu du temps
La possibilité d'une Île
!
Michel HOUELLEBECQ
La Possibilité d'une Île
Collection / Ed / J'ai Lu