EL HADJ N'DIAYE
Géej
" Il ne leur restait plus d’espoir, il ne leur restait plus que la mer... "
El Hadj N’DIAYE
" ... Une mélodie entêtante distillée par les cordes, tandis que la voix rauque, nasale, puissante, légèrement tremblée par moments, gorgée de soleil, entrelace le français et le wolof. C'est scandé et dansant, c'est bluesy aussi. Le Sénégal d'El Hadj N'Diaye est plus intimiste que celui de Youssou N'Dour. Très articulé sur les mots qu'il égrène avec gourmandise, comme des gâteries où s'enracine le chant, d'envols passionnés en méditations incrédules. Conteur autant que chanteur, El Hadj N'Diaye n'hésite pas à aborder les sujets qui fâchent. La dette africaine qui « étrangle », les « politiques mensongères », les rafiots du malheur (« Mer, mer / Tu engloutis tes enfants ») et même la « dégueulasserie ».
Le sieur N'Diaye joue de la guitare et de l'harmonica. A ses côtés, deux autres guitaristes, deux bassistes, un violoncelliste, un adepte du luth n'goni (Moriba Koïta), un joueur de kora, un souffleur, trois percussionnistes. Toujours dans des tonalités feutrées, comme pour mieux mettre en relief la portée du discours, pardon, du chant. En réalité, cela tient aussi de l'incantation, de la prière, mais loin de toute mièvrerie, avec vigueur et véhémence. "
Eliane AZOULAY
Très belles évocations d' Eliane Azoulay et d'émmanuelle Honnorin consacrées à l'Artiste Sénégalais que nous présentons ici ! Rendons hommage au talent, à la sensibilité, à tous ces regards à visages humains ...! Il s'est produit lors dune édition du Festival estival : U Settembrinu / Tavagna, sur l'Île de Corse, il y a déjà quelques années.
Voici un chanteur « à textes », un conteur à « chants »... Une chanson poignante pour une réalité - tragédies ! La mer endeuillée, malgré elle et ses desseins de vie ! Comme si ce naufrage eût annoncé et préfiguré ce que la Grande Mer aujourd'huiconnaît dhorreurs !...
La mer, vaste autel de l'espoir qu'elle anéantit au fil de ce texte que d'aucuns censurent, suppriment des plate formes musicales ... N'est-ce pas DEEZER ?
Pourquoi évincer de la Culture, ce cri rebelle aux ordres établis nourrissant désespérance, exploitation et cruauté ? Nous retranscrivons ci-dessous les paroles de cette chanson qui évoque les " Rafiots du malheur ", traduites du Wolof, " Géej " .
Paroles et traductions issues du CD éponyme
GEEJ
Mer, Mer
Tu tentes tes enfants
Mer, Mer
Tu tentes tes enfants
Mer, Mer
Tu engloutis les enfants
Mer, Mer
Tu engloutis tes enfants
On s'est nourri d'espoir jusqu'à avoir les cheveux blancs
On s'est démerdé jusq'à l'épuisement
L'espoir s'est noyé en mer
Aujourd'hui, j'affronterai la tempête
L'espoir s'est dissout
Il ne me reste plus qu'à plonger dans tes eaux
N'imaginez pas que j'embarque sur un rafiot de bon coeur
Pendant que je vois ces avions voler au-dessus de ma tête
Accoster à Barça ou mourir, quelle différence pour moi aujourd'hui
N'imaginez as que j'embarque sur un rafiot de bon coeur
Pendant que je vois ces avions voler au-dessus de ma tête
Oh Oh Oh oh, Mer, Mer
Ouvre-moi tes bras
J'aimerai avoir une femme
Des enfants
J'aimerais réussir comme d'autres
J'aimerais soutenir mes parents
Pas de réussite sans le bonheur de la maman
Oh Oh Oh Oh
Mer, Mer
Je vais juste chercher du travail
Puisque l'espoir s'est dissout
Aujourd'hui je plonge dans tes flots
Mer, Mer
Je vais juste chercher du travail
Mer, Mer
Donne-moi la main
§
Album / " Géej "
Paroles et chansons / El Hadj N'DIAYE
El hadj N'Diaye
Voici un chanteur « à textes », un conteur à « chants », pourrait-on dire. Dans le sillage de ces poètes, mémorialistes ou philosophes du quotidien, ce barde engagé, est une voix surgie, débordée, de son unique sujet : le réel. Ces « ballades » ne sont jamais que douces, elles piquent à un endroit. Leur sobriété est arrimée à une vigie, une voix intérieure implacable, un état d'alerte. Qu'il chante en français, en anglais (ou dans un japonais « wolofisé »), son laboratoire, c'est la rue, les petits métiers et l'invention de la vie au jour le jour. Sept ans après « Xel », le revoilà, avec la simplicité intacte de ses schémas guitaristiques, arpégés, verticaux. Il y a eu une dérive de la terre à l'eau, du local au monde, d'une banlieue de Dakar - le quartier de Thiaroye - à la mer : « géej ». C'est dans l'océan - rêve d'exil ou tombeau hostile, lieu de mémoire, de découvertes ou de perdition - qu'El Hadj va chercher des liens.
Cette légende-ci, c'est celle de jeunots qui foutent le camp sur des pirogues de fortune. C'est un navire, le « Jolaa », symbole du désenclavement de la Casamance, (qui permettait d'amener marchandises et hommes à Dakar, sans passer par la Gambie) qui va se perdre dans les flots, un jour de retour de vacances, avec pas moins de 2000 personnes à son bord. C'est ce « sopi » (changement) tant attendu qui n'arrive jamais, placardé sur les murs d'un pays qui a le mal de mer. Les positions d'El Hadj n'ont jamais été aussi claires : il pointe la corruption et les responsables sont nommés, quitte à faire des vagues.
Les voix de Thomas Sankara - celui qui disait « que cette dette nous perdrait », celle de l'artisan de l'ombre - aux visions trop novatrices pour son époque - Cheikh Anta Diop, l'accompagnent. Du fond du Carbone 14 - unique laboratoire de physique nucléaire existant en Afrique noire - poursuivant ses recherches dans une totale solitude intellectuelle, il est celui qui a su avant tous qu'il fallait utiliser le soleil comme énergie, assumer ses choix, et fustiger le carriérisme. Il inspire à El Hadj ces pépites de chansons crues et douces… Et ces attaques de velours, qui savent aussi capter les choses de l'amour et faire miroiter le feu sous l'eau.
Emmanuelle HONORIN