LE SIÈCLE DERNIER, DE TABARKA A GABES !...
POUR UN AMI, TRÈS LOINTAIN, QUE J'AIME
ET QUI MANQUE A L'APPEL
DES JOURS DES MOIS DES ANNÉES
" L'enfance, ou le précieux écrin aux souvenirs. Puissions-nous ne jamais
en rabattre la pierre sépulcrale "
Je ne suis pas protocole, N.... ! Mais le coeur y est, près de toi.
Ne le sais-tu, depuis !
Je quittai la Tunisie, je trouvai un ami, en Espagne... Rencontre !
Je pense souvent à vous, à la Terre, à la vérité du jasmin et des orangers en fleurs,
caressant le verger, là-bas, dans ton si beau pays
qui me rappelle à tant de Printemps, tous les Printemps...!
Je vécus ces territoires vierges, essentiels, intouchés.
Nous côtoyons si souvent les communautés dont le moindre
détail de la vie relatait et rapportait l'amour qu'elles leur vouaient.
Sans relâche, au fil des saisons, aux confins des orangeraies parfumées,
au terme de la délivrance de l'oued et des jardins cultivés, nous
traversions les années d'une Tunisie retrouvée, apaisée, du moins
pour ce que nous en percevions, avec nos yeux d'enfants, candides !
La fin de la semaine accompagnait le lit de la Medjerda.
Majestueuse rivière roulant les flots ocreux et limoneux de ses crues.
La vieille Peugeot 403 regagnait Tunis, le chemin de l'école.
Les plaines et les troupeaux défilaient sous de beaux ciels d'hiver.
Il faisait aussi très froid en Tunisie pour y avoir vu tomber la neige
dans la capitale, recouvrir les rivages de son immense bord de mer nacré.
Et le temps pose sur chaque frangipane une bougie de plus ! ... Quelles épiphanie !
Soufflons, encore une fois, ensemble, à la bonne heure, sur le verre de thé !
Nous allons quelque part, N...., sans savoir vraiment où, mais nous y allons
toutes et tous, certainement, pour le meilleur, n'est ce pas, N.... ?...
Peu importe ! Seules comptent les heures passées près des siens, des tiens.
Que je m'enivre et perde le pied de la raison ! Que de forts alcools
métamorphosent et hallucinent la solitude qui nous touche,
ici, sur cette Île perdue, de tous les bouts du monde...
Réclusion en terre d'ex-île, le tableau s'assombrit !
Je voudrai tant te parler, te dire un peu ce qui nous touche ici.
Mais tu ne doutes plus,
je me livre à la poésie pour oser, affronter la divagation
d'une âme insaisissable, rebelle et folle à la fois, une âme qui se cache et ne se terre point !
Qui divague et part à la dérive, sur son esquif vélivole.
Qui sait, un jour, les Petits Enfants, que nous ne voyons plus
depuis dix ans, liront ma prose, mes délires ridicules,
les maux d'une profonde maladie, d'un rebut, à leurs yeux, déchu
par l'engeance et la vilenie de la parentèle, des clans et des vils microcosmes ...!
Je te confie ma désespérance sur un terrible sujet ... J'aurai tant souhaité raconter, auprès d'eux, relater !
Quoiqu'il advienne, que cela ne nous empêche pas
de te souhaiter un bon et radieux 2018,
à Vous, toutes et tous, Sonia et Karim, ton épouse, bien sûr !
Avec ces mots, reçois une photo, celle d'un ami de toujours,
en action, malgré le dense florilège de bougies à verser au passif
d'un marin à terre !
Évocation pourtant née de la rumeur infernale, mais aussi
des rouleaux de pensées et de prières que les vents déclenchent ...
Saches, N...., que j'ai passé 4 années de ma vie à Tunis,
de septembre 1964 à septembre 1968 !
C'était il y a un siècle, un millénaire, déjà ! Te rends-tu compte ?
Dès mon jeune âge, ce pays m'aura été révélations, beautés,
coups de coeur et surtout horizons de fraternité ...
Que me reviennent en boucles les vagues du golfe d'Hammamet,
les mailles tressées des nasses à langoustes que posaient
Monsieur Pascal, un ami des parents, dont l'art culinaire
dépassait l'entendement, subjuguait les papilles des fins gourmets...
Plus au Nord, les galbes bleus de Nabeul, le roulement incessant
des tours des potiers emplissaient le cours à toujours coloré
des blanches venelles de la cité de la céramique.
Les étals odoraient comme un parfum de rosaces et de jardins.
Nous courions l'antre de la faïence et de l'argile
divinement ouvragées au diapason de l'eau fraîche
et si claire fluant des thermes antiques intarissables.
Carthage et ses larmes de verres roulées, resurgies d'entre les galets
polies tel un trésor inestimable, aux pieds des thermes d'Antonin.
L'histoire antique, de vénérables colonnades s'élançaient
sur l'azur entonnant le chant de la brise, d'autres noces, ô Tipasa !
Que de larmes translucides et bleues ! Nous délirions, fabulions à l'envi...
Entre les mains innocentes de la découverte
et le goût de l'aventure, nous naissions aux mondes
en composant avec la féerie des millénaires.
La Goulette, son port et ses quais métamophosés à la criée
avaient dès le matin comme un goût de " poisson complet "
après la plage ! Gammarth étalait ses sables ocreux exaltant les flots
de la Grande Bleue éminemment perse. La mer se perdait
en infinis camaïeux. Châteaux de sables et roulades
comblaient les pentes des sablons bordés de maisons.
Jamais je n'oublierai Sousse, Monastir, leur port de pêche,
Kaïrouan et sa merveilleuse Mosquée, sa medina et ses marchés.
De là, El Djem devait nous réfugier pour une escale, dans l'antre de la tragédie,
pour la nuit, déjà rendus que nous étions au seuil du Désert. Prélude à l'univers
des dunes et des puits qui nous attendaient en regagnant Gafsa ...
Sfax, et Tozeur, le Shott-El-Djerid terrifiant de lumières et de sels,
Gabès, l'oasis miraculeux de Tamerza et sa dive source de ciels nichée
au coeur des palmiers dattiers,
le massif étrangement rouge des Matmata qui nous regardait
du fond de la vie troglodyte ... Fascinations, échos,
vertiges des grands espaces, d'un silence safrané
tout là-bas, au Levant, vers Leptis Magna, les déserts de Lybie, cette route aléatoire
que les vents chauds recouvraient de sables et de congères pulvérales !
Un tout dont l'évocation ne s'improvise pas, qui naît et renaît,
amoureusement évoqué afin de ne jamais plus le perdre de vue.
Au Nord, N...., l'Île de Tabarka nous fascinait ;
Tabarka, une sorte de bout du monde dressant face à la mer
ses dernières défenses naturelles, ses aiguilles acérées.
Puis, nous remontions le temps, vers les hautes futaies,
les sapinières d'Aïn - Draham.
Je vécus mes premiers émois face à la neige. Ces terres de la Khroumirie
me rappelaient Ifrane, le Moyen-Atlas Occidental.
Le Maroc, pays de ma naissance et des cèdres vertigineux,
des contrées d'ouvertures aux mondes de la Mer et de l'Océan
que les pêcheurs dominent du haut de leurs vires pour ramener
le sar royal et l'ombrine argentée ...
Le rif demeurant à jamais brumeux, hautement miséricordieux,
solennellement bon telle la sourate originelle,
le trille de l'oiseau qui se mêle au chant du monde et de la houle.
Grâce ! à tout cela... Que je me perde, maintenant, en poésie,
pour accéder, qui sait, comme le Soufi, au seuil de l'éternité,
de la liberté, de l'esprit qui n'auraient, toutes et tous, jamais eu d'âge.
Avec les oiseaux des anges que je ne blesse point
et qui chantent pour tous les coeurs, à tue-tête, en Conférence :
Ton Ami, lointain et de toujours, avec toute mon affection, N.... !
En cours, avec
" GEORGES NEMO " &
" GHJORGHJU D'OTA "