LA PASSE !...
"... Ou aller et venir, de part et d'autre l'espace et le temps. Tangible issue ! Partir et revenir ou l'inverse ; qui sait ? Apprendre à larguer les amarres ! Fin de parcours pour les vagues vers la côte qui se couchent. Tremplin, envol et nouveau départ pour le compagnon d'un jour. Ainsi du cycle des renaissances enfin apaisé...
Remonte le vent, au plus près de la lame et du flot bleu-turquin. Sans heurt, gagne le ponant et ses ciels ultramarins. Tu y glisseras longtemps, plus léger. Au-dessus des champs hersés de la mer en cheveux, oiseau libre, plane, enfin affranchi de la rumeur, du lointain tillac, du tarmac damé et bondé des étés glauques et suffocants.
La roche mordorée, la roche noire et ses rousses oxydations fabulant le basalte et la lave donnent à tes amples évasions des accents rares de tourmente, de mer infiniment brisée. En ces lieux de plaintes et de brisants, quelques bouts de vie-solitaire prennent leur envol, à la fois messagers et passeurs d'âme, indéfiniment bercés.
Ces jours de recouvrance tant espérés te reviennent, de faits. Tu y retournes, toutes les fois, recomposant et tissant inlassablement la chaîne et la trame d'une fresque qui ne saurait faillir à la poésie, à la prose, au récit marin en prise avec le monde du silence aux quatre saisons réunies.
Et pourtant, combien les coups de la mer du vent sont âpres, tonnants, impitoyables. La sensibilité n'aurait - elle jamais eu de place, assez d'emprise et de force pour infléchir le cours impitoyable de l'absolu, vacillant tragiquement entre l'abandon des migrants et les beautés océaniques pourtant éminemment révélées ? Qui porterait les responsabilités de ces cruels desseins infligés aux vastités azurées, depuis la Traite ?
Dis-moi ce qui te pousse ainsi à croiser par ces dédales d'îlots, de caps et de pointes impavides tels les blocs erratiques, le minéral anthropomorphe peuplant le rivage à toujours in-animé ? Comment ainsi divaguer, des heures durant, sachant que le vent jamais ne s'épuise et qu'il te faudra rentrer, toucher terre avant la nuit obscure, quitter la lice de tes rêves à ciels ouverts où l'azur, la pierre et l'eau valent chemins de sources, histoires sans fin, fragments de vérité à rabouter comme le filin rompu à la manoeuvre, à l'épreuve des bourrasques...?
Ainsi te parles - tu, vous parlez-vous au long cours de ces saoules bordées, le temps d'une épissure hautement sémantique ! En voici la preuve, qui relate, voix inextinguible ... Pourquoi ? Te sentirais-tu donc tellement seul à terre, sitôt ancré à la nécessité, livré aux hasards de la fatalité, sans autres issues que le long corridor et son faisceau lumineux ? Dérisions de nous illusoires et vaines !
Je te sais du domaine ouvert de la pensée, de l'affect, du chant immémorial, du mot humble qui rassérène et apaise la douleur et le chagrin. Tu chasses en fuyant les aises de l'habitude pour une quête d'harmonie, un pacte avec l'imaginaire afin de ne point tomber, sombrer par le travers des réalités surfaites, du paraître, de l'éphémère vendu qui rompt toujours à la paix et déterre la hache de guerre.
Choisissant encore une fois la passe, le seuil cristallin dont tu apprends à traverser la limite tant redoutée, L'allégorie se fait compagne et te rapproche du point de non retour. C'est entre deux îles que tu recouvres le sens et le cours d'une mémoire limbique dont il te faut impérativement abandonner le faix. Arcanes symboliques, envols paraboliques, ainsi égares-tu ces lots pathétiques de douleurs et de manques qui auront tant marqué et blessé au coeur du lien et de l'âme.
Sublimation vitales, dépassement de soi, ascension, descente aux enfers, le temps d'une lame effleurée, tout confine à l'oubli , au lâcher-prise de quelques pans existentiels odieux que l'on eût espéré pour toi improbables, impossibles !
Et de t'atteler à cet Antre-deux-mondes où fluent le temps, l'existence, sans autres dimensions que deux chiffres, deux dates qui distancent et absentent, en route vers le Tout, l'Être, le Néant...
Une ouverture béant aux infinis du soleil levant au couchant que deux îlots enchâssent. Une large voie, une barre d'eau dont les hautes lames de l'hiver et les vents fous sculptent la roche et de profondes échancrures. On se poursuit éperdument, jamais las, avec les vagues, en tutoyant la folie et la beauté, son alliée-née...!
L'oiseau, le Puffin, le petit albatros convolent ; un certain en chante le syndrome, des hautes latitudes depuis la poésie. Tu les portes haut et fort, comme un Eau-Delà de Tout. Et comme il est plaisant de redonner vie et pareils espaces-temps aux mots des-pensées bafouées à l'encan, à terre, inconsistants ou si lourds de sens, égaux à l'argent massif qui en dévoie l'essence !
Ici, que le plain-champ t'accorde à l'envi le fruit d'une moisson unique, les horizons de l'imprévu irraisonné, enfin libre.
Et si pour une seule fois, dans la conscience collective, la mer avait fleuri et offert toutes les vagues d'un possible pacifique ? Qu'elle te livre aux chemins radieux de pierres et d'eaux qui ne jamais ne se referment sur tes pas. Reflets translucides aux miroirs sans tain où d'aucuns souffriraient de point se refléter, de ne plus se situer par le centre du monde ! Tu en sais le prix, la valeur de l'inestimable viatique... Alors, transmets-le et vite, avant qu'il ne soit trop tard.
Comme c'est étrange, une évocation, un seul vocable suffit à ouvrir une fenêtre de Ciel. En perçois-tu toutes les vérités, le courant d'air sain et la lumière sans l'ombre funeste ?
Mais que rien, aucun artifice temporel ou réducteur ne vienne en perturber le cours fécond, vital, à l'aune des saisons de la terre en souffrances, des marées et des lunaisons masquées des fumées.
Ainsi de la voie claire, sans frein ni entraves qui eussent faussé la route, aux pieds des plus hautes vagues, en dépit des rafales mémorables, pour le chant solennel des îles, la présence immensément bonne des maîtres de phares que l'amour parsème.
Il est toujours une destination, un point vers lequel converger. Écueil, seuil ou passe, il ne dépend que de toi d'en faire un fabuleux terrain d'aventures et de rencontres où chaque mot revêt ses apparats de magicien, au petit matin, le soir tombant, comme le tombant sur la mer de la tranquillité qui s'illune et promet encore pour demain d'infinis rivages apaisés, aux parfums et aux senteurs des Syrtes éternelles, insoumises
!
RIDER " SOLOKO "
LA -BAS A BORD DE LA FOLIE
___________________________________________________________________________