LE DERNIER PASSEREAU ! ...
« Chercheur de vérité, ne prends pas cet ouvrage pour le songe éthéré d’un imaginatif.
Seul le souci d’amour a conduit ma main droite (…). »
Farid Al-Din ATTAR
J'écris ce texte en invoquant haut et fort
la Conférence des Oiseaux Recueil
de poèmes médiévaux en langue persane
écrit par le poète Soufi Persan
Farid Al-Din ATTAR et publié en 1177
Je ne me hasarde point lorsque j'affirme
que les oiseaux les passereaux nous ont quittés
ne laissant derrière eux que silences
mornes plaines et forêts sans vies L'illustre allégorie
n'est plus de ce temps mais de l'horizon à jamais enténébré
***
Les jardins par milliers de myriades tuent les abeilles
L'air et l'eau acides les champs contaminés
achèvent les oiseaux en marge de la glue
et des filets qui pêchent à terre la palombe
et l'alouette Et la chasse à courre préside
dans les palais accourt en livrées dorées
en se précipitant sur les brisées du titre du rang
très en vue qui situent et qui tuent au silencieux
Alors le cors rugit Il a terrassé la nuit
des hulottes et à l'aube le cerf et le fan
Le funeste trophée recouvre le parvis du château
On s'ébaudit au règne de la con-descendance
Il n'est qu'un pas qui rallie la cruauté
à la possession sans frein égo-sans-trique
j'ai nommé le pouvoir le business-man
les fruits de la patente nationale mortelle
qui propage et entretient l'atavisme vo-race
comme la panse tendue de la vénerie repue
La campagne se meurt inexorablement
emmurée du silence des arbres orphelins
des ruisseaux détournés pour un arpent de gazon
L'automne rougeoie nous rappelle
le sang versé ailleurs La chevrotine donne
le plomb durci cèle le destin des innocents
par-delà les mers et l'é-migrant noyé
Le moineau survit la corneille cauteleuse fuit en se taisant
le geai est pris pour cible dans le verger
l'an prochain les hirondelles ne reviendront pas
la glèbe a perdu par kyrielles ses sentinelles
l'infiniment petit manque au cultivateur
qui répand à l'envi acculé par la con-currence
le poison les liquides suris de la chimie pulvérulente
Sursis de nous désormais décompté
Les armes et les pièges parlent haut et fort
à l'unisson du discours politique crachent le feu
sur l'étant l'harmonie des saisons les lunaisons
Je ressens la désolation mutique du sous-bois
le pigeon ramier manque à l'appel de l'automne
tous les passereaux ont depuis des mois disparus
Ont-ils migré ou trouvé la mort par asphyxie
aux abords de l'aéroport le long des artères gazées
Vivre sans oiseaux m'est dès lors un fardeau
Eux dont le chant au réveil à la halte
apaise comme il élève le penser vrai
Comment marcher sillonner le sentier
longer le torrent regagner le refuge les alpages
s'émmerveiller des coteaux fauves de Vincent sans le chant
innombrable du peuple migrateur qui sème la vie
Aux oiseaux qui prennaient jadis leur envol des oliviers
comme ils s'en retournaient ici-bas nicher
auprès des hommes qui plantaient des arbres
et qui faisaient jaillir l'eau claire de la source à Manon
!
- MARIN -
A Terre
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