« Mes cils se rapprochant […] me kaléidoscopaient les choses. »
Paul VERLAINE
Œuvres complètes - Tome 5 - Confess / 1895 - Page 8
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La mer, la radiance de ses moires en camaïeux de bleus et de verts ultramarins que les vents disposent à la semblance d'un kaléidoscope onirique ... !
La mer, en, hiver, cet infini si pur et si mystérieux auréolant la probabilité d'une île au petit matin des magiciens ;
que de songes impressionnistes vaguent et musent à l'entour d'un désir inextinguible, que la mort n'effraie point, qui migre sans fin à l'appel du Ponant tempétueux.
Que les tons et les lumières lui siéent à merveille ! Quelle énergie, quel instinct en toi survit et croise là-bas sans affronter l'inhabituel cours d'un temps dont les flux révoltés s'affolent et frappent aveuglément l'histoire et la légende ?
Que de silences assourdissants autour de toi planent en vain et trahissent maints regards dérobés ...
Mais il t'importe si peu car tu vagues au-dessus de la mêlée afin de panser le penser douloureux de l'absence et du manque qui meurtrissent la chair périssable.
Aucun alcool, aucun spiritueux dé-voyé, aucune poudre blanchâtre, fût-elle fine et claire, ne saurait rivaliser avec les sentinelles de la pureté et de l'innocence, je veux dire les blancheurs immaculées des vagues empennées de nuages, l'azur intense des hautes lames, des hautes latitudes.
En guise d'Albatros, Marin, tu rencontres le Puffin Cendré des hautes falaises et des abrupts liquides. Ses jolies ailes duveuteuses et de khôl cernées délinéant le ciel qui vous est commun tel un plain - chant, un cantique, la voix douce et plaintive de la Muse !
Écris, Marin, écris encore, mûris ces maux qui tiennent au choeur des éléments sauvages, qui t'emportent et t'emmènent de plus en plus haut que tu restes seul, tel l'astre déjà mort dans l'infinie voûte céleste rayonne et brille encore, après des millions d'années de son pâle éclat garance, témoin de l'inéluctable effondrement cosmique.
Il est parfois dans l'ombre fugace des vagues comme un regard, une présence...! Fabuleuse paréidolie, à l'orée de la folie qui t'aide à recouvrir le sens de la voie et des beautés cachées qui ne se vendent guère !
Ainsi participeras-tu à jamais de l'incommensurable fresque marine que les grands migrateurs ailés reconnaissent en te suivant, selon le sillage mystique et les brisures irisées de la mer aujourd'hui séditieuse.
Auriez-vous été trahis ? Réconciliés dans l'alliance et le dessein parfait de l'arc-en-ciels multiple, va, allège-toi, élève-toi, prend cet envol que t'offrent les vents insulaires, défend et porte très haut les sublimités sidérales de l'étant et de la mémoire que l'éphémère et le paraître détruisent chaque jour qui passe, aux noms des métaux lourds qui se monnaient à la criée blasphématoire des magnats, sur les places des marchés virtuels où tout sonne faux et si clair et sans fois, pareil à l'aveu du déclin perpétrés par des voyoux en col blanc
!
- MARIN -
PENSÉES EN MER