ÎLE !...
Gardienne du seuil de la folie
Elle révèle en ce jour de vents violents
les cinq éléments universels
Sels et gemmes de cristal
délinéent l'Univers
le prisme de nos panthéiques visions
L'eau l'air le feu la terre et la glace
éternelle impermanence des choses
Pérennelles métamorphoses
Une île un îlot un îlet dit-on là-bas
rapporté aux tièdes clartés ultramarines
des archipels Caraïbes que l'on découvre
au détour de Grande ou de Basse Terre
ceintes de camaïeux
bleu-de-ciel
Mais alentour il n'en est rien
L'hiver
le grain blanc
le morne souffle de Borée cingle
comme il fouette et burine tour à tour
le visage du temps
Et vole l'embrun des vagues
qui ravit aux nuages
ces virga aux mordantes froidures
que le Gregale Tyrrhénien éploie
comme un rideau de neige
et d'écume fusionnées
Vestige magmatique du chaos
immémorial abrupt hauts pans de caldeira
que la houle bat et rebat
L'arc-en-ciel réunit
le feu et le givre
dans la perpétuelle mouvance des azurs
Un bout de terre vogue
tantôt poupe tantôt étrave diluviée
vague comme un songe
Vaisseau ivre partageant les sublimités du flot
au milieu de nulle part tel l'astre
Les oiseaux touchent terre
traversent la bourrasque
Sternes de passage
Puffins cendrés rendus à destination pour y nicher
le temps de la couvaison
Providentielle escale
Que ne vivrions-nous pas d'autre
en ces lieux de grandes solitudes
pourtant criblés de regards lointains tant prisés
On l'aura nommée certes reconnue Île
d'entre toutes les autres pareille et si différente
à la fois selon la légende l'unique
qui s'égare et qui se perd dans les souvenirs d'une étreinte
Au Levant le soleil esquisse
l'ombre d'un probable refuge
Et quand vient le couchant
ses derniers rayons retiennent le jour
que les tombants safranés
peuplés d'almes nichées
reflètent en pâlissant
Inaccesible thébaïde qui aurait refugié jadis
l'hermitage du maître de phare
à l'instar de la Vieille voilée de l'enfer des enfers
Ar-Men
Tout au bout de la Terre des raz redoutables en Iroise
où les Trépassés louent leurs saints
qui veillent le présent avec tant de bonté et de reconnaissance
Le silence consacre la vie
la possibilité d'une Île durable
Montagne figée flottant à l'orée du mirage
Elément tangible au coeur de l'erg liquide et-mouvant
témoin de l'entropie originelle
On y décèle à la nuit tombée et qui va s'illunant
le dessein létal de l'écueil des brisants
On écoute comme un récit les Travailleurs de la Mer qui ouvragent toujpours
Dans le jour revenu
comme un horizon un seuil
l'île se dresse à limite de la folie
Qu'elle effraie tes délires
Toi qui fais à ses côtés
la guise et le gré du vent
- MARIN -
Île