TERMITIERE / THEODORE MONOD !...
Tout noyé de soleils, Zeus, aux balcons du ciel
Penché, voyant flotter le globe termitière,
Écoutait, évadé de l'ordre planétaire,
Le sourd bourdonnement à l'Être essentiel.
Vers l'impossible dieu montait et le latin
Du moine en sa cellule et l'argot de la fille,
Les cris du torturé, les sanglots à la grille
Du tombeau neuf et les " tu viens ? " de la putain,
Les pleurs de l'enfançon, au bois les hurlements
De l'animal chassé, les fracas de l'usine.
La plainte et les soupirs du primate en gésine,
Ceux aussi du plaisir, au combat des amants,
Le tonnerre des feux et le chant des cantiques,
Et le frémissement du vent sur les gramens ;
Mêlés, les " oui ", les " Non ", les " Tue ", et les " Amens "
Et le monstre et le saint, de si haut identiques.
" Fugaces pucerons, grouillante moisissure,
Termites aveuglées, fourmis et vibrions,
Joyeux pitres mort-nés, sinistres histrions,
Sans remords alliant prière et luxure,
Vos pas ont-ils un but ? Vous courez mais vers quoi ?
Allez-vous quelque part ? Où s'adresse la quête ?
Si d'un courant vainqueur entraînant homme et bête
Le flux se précipite, où mène le convoi ? "
Silence en bas du monde où l'insecte éphémère
Sans rire se pavane en son futile orgueil,
Silence aux cieux éteints où s'est refermé l'oeil
Du dieu sur les vains bruits, le vide et la chimère...
( Washington, Août 1963 )
In : Et si l'aventure humaine devait échouer
Page 87
Édition : Grasset & Faquelle - 2000 -