JE VOUS ÉCRIS DE L'EX-ÎLE ! ...
Je vous écris de cette Ex-Île, dont on dit et redit qu'elle fût jadis la plus belle d'entre toutes les îles de la Grande Mer du Monde antique. Les grands arbres sertissaient la Lune dans leurs écrins de rêves...
Alors que la planète surchauffe et suffoque, que les forêts majeures brûlent des Pôles aux Tropiques, que l'on exporte l'atome fragmenté vers les Islandis au coeur meurtri de la débâcle, que notre ère, - Anthropocène -, signe et valide Air-pocalypse, que des îles sont aux proies des flammes au milieu de la mer, des océans, que l'acide coule des ciels glauques aux nues hybrides, que le méthane sourd des socles fossiles immémoriaux, aujourd'hui fondus.
Je vous écris d'une Ex-Île comme j'interpelle celles et ceux qui deviseront, discourront, affecteront le discours officiel des aréopages de circonstances, depuis le temple Européen du Surf, qui useront d'une rhétorique des plus con-descendante envers prébendes et con-sensus au nom de la " Real-Politik-Kills "
On s'inquiète ici-bas de possibles récessions économiques et de guerres commerciales en regardant brûler la Taïga ! Gaza git à terre ; on ripaille des terrasses de Tel-Aviv devant les feux d'artifices assassins en sabrant le Champagne !
Je ne laisse plus d'écrire, de relater, de témoigner de ces aberrations et constats inquiétants. Sont-ce les vires prémonitoires, les balcons que l' Ex-Île autorise en ouvrant au regard les horizons les plus lointains. Il y parvient autant de signes éloquents que cimes et rivages exacerbent en grondant.
Quel autre recours, sinon l'écriture ? Observer quelques menus gestes éco-responsables au quotidien ne suffit point. Une goutte d'eau dans l'océan du vide, de l'éphémère. Il est pourtant d'heureuses initiatives et réalisations citoyennes menées à l'échelle des mondes, des populations dans le besoin urgent et en détresse, de la vie sous toutes ses formes, qui soignent et pansent les maux de la planète que les systèmes auto-régulés et leurs matons génèrent chaque jour !
Le dioxyde de souffre se répand en concentrations gigantesques depuis les mers et les océans. Les bateaux continuent de vomir leurs miasmes visqueux dans les détroits, vers les rails maritimes de l'en-fer flottant et dérivant, profitent du trafic pour se livrer à leurs forfaitures sous le couvert des armateurs et des accords troubles.
Au-dessus de nos têtes le kérosène change le dessein des nuages et de l'air qu'il surchauffe et déséquilibre en haute atmosphère. Noria incessante, innombrables allers et venues lézardant tous les ciels de la planète et dont on annonce déjà le décuplement de la flotte aéroportée d'ici à 2030 !
Je roule sur nos routes insulaires ; le touriste, le temps pressé en auront souillé tous les bas-côtés de leurs déchets consommés comme l'on jette les mégots dans le sable des plages en sursis, dans les caniveaux des villes qui vont à la mer !
Des milliers de panneaux publicitaires envahissent l'espace, barrent la vue que nous avions de nos montagnes et de nos campagnes. Les carrières ont asséché les cours d'eau qui ne traversent plus l'été de la vallée ; de vastes balafres réfléchissent l'air brûlant des terres éventrées et du tuf chauffé à blanc.
Des sols terreux durcis, des champs de bitume péri-urbains montent les touffeurs de canicules inimaginables en durée et en acuité, il y a seulement deux décennies.
Si peu de nuages dans le ciel mais quel voile opaque, artificiel barre l'horizon immédiat des villes, des rivages, des villages pourtant juchés au sommet des collines !
On bâtit partout, sans freins, on entasse et on amasse les marchandises dans des villes d'un nouveau type, aux hangars immenses et si hauts insultant la Terre de nos anciens attentionnés.
Sur le bord des artères, l'animal traqué, abandonné gît sur le sol, putréfié, figé. A la campagne, plus aucun oiseau risque les chênaies dévastées par la dernière marée des chenilles, les sous-bois et la suberaie exsangues d'eau depuis des mois, desséchée par les nombreuses vagues de chaleurs extrêmes, défoliés à toujours. La forêt a bien cessé de chanter. Les insectes se résument aux milliards de fourmis rompues au travail incessant, obstinant l'arbre mort, séché sur pied.
Le bord de mer affiche les clartés des clichés et des cartes postales qui se vendent bien ; un masque suffit pour y découvrir la soupe plastique passée aux hélices des navires, assortie de ces champs d'algues arrachées aux baies et anses valant mouillages forains, au plus profond des parcs et des réserves.
Il est 20 heures ; plus de 32 °C affiche le thermomètre. La Terre du Commun exhale une épouvantable chaleur que nous lui connaissions pas. Que m'importe les nomenclatures météorologiques partisanes quand le mal-être frappe durement et mord la peau
!
Il est des virages meurtriers ; à grande vitesse qui ne pardonnent ni le jour ni la nuit.
Ils, je veux dire les décideurs aux commandes du vaisseau, feignent d'ignorer le cours incontrôlable des exactions d'ordre anthropique qu'ils chapeautent. Ils détournent le regard, tournent la tête, la mine excédée ou maladroitement affectée et contrite des gros possédants que rien ne saurait interpeller, qui affichent un optimisme à toute épreuve !
Ceux-là cultivent le scepticisme des " roseaux " qui ne pensent plus ; un scepticisme mutant vers les certitudes et le Big Data dévastateur des temps modernes qui défait et qui fausse déjà, sous nos yeux, les desseins tragiques de l'histoire en marche.
- MARIN -
Mal de Terre Mal aux Mondes
!