ÊTRE AUX MONDES DE LA MER !...
FRAGMENTS D'ETERNITE
La mer s'écrit. L'écriture n'écorche guère le silence. Elle le respecte, interroge les lointains rivages. Que n'en louerait-elle assez les horizons, les saines rumeurs d'un Eau-Delà aux sublimités qu'il tient et appartient au marin de révéler à l'intime du mystère et de la crainte, d'un amour sans conditions...
Marin, à terre. Marin, que les vastités prennent et emportent autour des mondes, solitaire. Soit !
Deux entités se rejoignent sur l'océan d'une pensée partagée, d'un penser en actes vrais, sublimé.
Mais il en est une autre que la mer et la terre lient, rapportent à l'extrême comme aux éléments déchaînés, à l'absolue découverte de l'aventure libre, lorsque le marin évolue près des côtes tout en croisant le fort coup de temps, l'esthétique létale des îles, des écueils et des brisants hiémaux.
Les incarnerait-il toutes les trois, l'une ou allant par deux ? Le viatique eût été et valu sublimes bordées au coeur des ciels tutélaires s'offrant à la vérité irréfragable et au verdict de chaque instant...
Langage sans frontière, hermétique, herméneutique : les voies transcendent, se détachent ; que la volonté du marin en quête d'azur empyrée aille, ose et traverse un vaste échiquier, un labyrinthe et un dédale minéral à ciels ouverts, des moments d'exaltations indicibles aux vertus de l'immanence, d'une inextinguible fruition.
Qu'importe la distance, en conscience, dès lors qu'elle vire au déraisonnable, à la dénégation, à l'abnégation ! Un au-delà du chasme de la mort antique, atavique. Le Grand Bleu est indéfectible allégeance, irréversible don de soi, quelqu'en soit le prix !
Et si l'infini, les vagues, les phares diluviés, les nuées fascinent, émerveillent, fulgurent le moment que vit le marin, dès lors rivé à terre, lui manquerait - il pour autant ce rapport à l'immédiateté de l'élément qui élève et distance de soi, qui ouvre d'autres possibles autorisant alors un recul à la fois prodigue et intemporel lui accordant l'univers des révélations ?
La tempête, le large, la traversée, le solo absentent, isolent. Y vivre la nuit constellée d'astres où se confondent ainsi et autant d'êtres aux mondes du silence qui portent le témoignage, transcrivent l'émoi et l'attachement à la vie. Où que nous soyons !
Unique regard évoquant et portant à toujours le Ciel sur la terre sur lequel se reflète l'appel des grands espaces céruléens
!
Le temps est à l'évasion, aux belles échappées, qui reviennent et pointent au lever des jours éphémères. Vivre la mer c'est aussi la regarder longuement, en éprouver les signes prémonitoires, les irrépressibles invites.
L'entendre, qui travaille aux rivages. Découvrir, interpréter sur la grève des dunes immaculées le sens des messages qu'elle dépose la nuit, au gré des houles lointaines. Décrypter la calligraphie des goémons, des posidonies, des bois flottés qui procède de l'harmonie. Le vol des oiseaux marins, des migrateurs, des limicoles conforte déjà la course folle du barographe, enivre la Rose des Vents, sidère dans le calme la girouette.
Marins, avant que la mer ne vous prenne, accordez lui un vaste regard, épris de liberté, un tour d'horizons riche de sagesse et d'humilité, de salutaires observations.
Ainsi et qui sait, peut-être, vous le rendra-t-elle au centuple, depuis cet Eau-Delà, duquel il est encore possible et probable de revenir, ici-bas, un peu plus sain, en esprit, de corps las, certes, mais solennellement comblé
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" Homme libre, toujours tu chériras la mer "
C. Baudelaire
L'Homme et la Mer
- MARIN -
La Mer
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