LE SILENCE DES PHARES ! ...
Ils arborent tous fière allure, solidement ancrés au socle rocheux des brisants et des îlets. Le vent entonne très haut le cantique à la lumière qui sauve des vies. Une sainte source inonde les horizons du voyage comme elle abîme les tourments de la traversée.
Je les aime quand ils vêtent ainsi la blanche parure des vagues, altiers, dans leurs écrins de tempête. Désormais inanimés, abandonnés aux commandes de la machine, ils poursuivent leur mission, perpétuent la veille mutique des Anciens Maîtres de Phare.
Une longue voie dallée, taillée dans le roc, à flancs d'abrupts et de tombants plongeant dans le vide, vaut encore lien avec l'Eau-Delà. Vertiges ! Une voix commune mène à l'oeuvre vénérable et solennelle des bâtisseurs d'antan.
Le silence et l'oubli y sont définitivement enclos, règnent malgré le hululement des rafales, les coups de la mer rude, impitoyable, souveraine.
Un sentiment d'infini étreint l'envers des mots que l'on ose évoquer. La mémoire, à la souvenance de la Grande Mer, témoigne et se confie !
Que nous en percevions ensemble le lointain écho des marins et de leur famille rivés aux extrémités de toutes les terres. A ces amers souverains qui donnaient et assuraient aux locataires reclus le pain et le vin de chaque jour, le temps d'une prière, guises de propitiation
!
Mais les temps modernes en auront, hélas ! décidé autrement. L'île rousse eût pourtant gardé jalousement sa solitude, la féerie de ses envolées sur l'azur. Il eût alors fallu que le génie civil en décidât autrement, évitant ainsi de la relier artificiellement à la voracité des cupidités...
Pourquoi donc ne pas avoir accordé à ces éclats d'îles ocres éminnement pétrés le retrait et la quiétude qu'ils eussent mérités, pour l'éternité ?
Et ainsi, de rejoindre l'Île Rousse, par la mer et les flots, tout en respectant le dessein de toutes les îles, qu'elle qu'en fût la grandeur !
Les fenêtres de la bâtisse à jamais refermées claquemurent d'autres silences, claustrent tant de rêves. Le regard du phare ne croise plus celui des voiliers. Les nuits de la Grande Mer demeurent, à jamais orphelines.
L'amer défie le temps. Amer, nostalgique des vérités nitides qu'il accordait aux navigateurs et aux marins pris dans les coups de temps et les tempêtes.
Alentour, la hideur des faubourgs, les murailles et les amas de béton jurent cruellemement sur la roche porphyroïde, l'étoffe des terres fertiles.
Promeneur solitaire, lève donc les yeux au ciel, vois la grande barrière des montagnes qui dévient les vents, parcours le possible des ciels empyrées, plus loin que l'horizon !
Contemple l'oeuvre des siècles, des " Travailleurs de la Mer " ! Témoignages de l'abnégation à laquelle se rive et se donne le passager d'une vie que les flots bercent ou naufragent.
A l'aune de la révolution solaire, comment faillir, comment fausser compagnie au faisceau lumineux, au guide ?
Que le bâtis infame, l'anchronisme, l'insulte à la beauté originelle de " Kallistê ", épargnent l'éternelle Montagne dans la Mer, les ors de ses dunes, la magie des légendes
!
- MARIN -
Les Phares
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