10 décembre 2020
JACQUES -STEPHEN ALEXIS / EXTRAIT !...
Forêt de pins - Forêt Domaniale de Pina - Littoral Côte Orientale / Fiumorbu _ Île de Corse
« Les pins se balancent haut dans le ciel. Ils sifflent à perdre haleine et jettent leur mélodie dans le grand jour qui rayonne sur la forêt.
Gonaïbo et Harmonise, la main dans la main, s’en vont parmi les arbres, empoignés par la vaste voix des conifères. Ils courent et s’emplissent au passage les mains de fraises des bois et de mûres juteuses. Ivres, ils s’enfoncent dans la forêt.
Soudain, ils s’arrêtent écrasés par la merveille qui s’offre à leurs yeux. Devant eux s’étend une véritable muraille d’orchidées sauvages, une tapisserie aux cent couleurs.
Il y en a de toutes teintes, de toutes formes, les unes plus précieuses que les autres, unies, tigrées, avec des volutes d’étamines, des pétales ourlés, spatulés, frisés, des yeux bridés et souriants, des bouches rouges et bées, des dents ivoire.
Tout à l’heure encore les jeunes époux étaient contractés, leur être dolent, malgré le jeune sang qui fait sans cesse des cabrioles dans leurs veines et les pousse à galoper dans les sentiers, leur cœur était âcre.
La grande forêt a désormais balayé toute crainte, toute angoisse, toute tristesse. Les arbres les appellent, toutes les plantes les retiennent par leurs griffes et leur proposent leur amitié.
La voix inimaginable des arbres, les fastes des orchidées sauvages, la fraîcheur du sol, tout sollicite le cœur. Ils doivent se faire violence pour échapper à l’enchantement.
Ils poursuivent leur route parmi les pins qui dialoguent en musique au-dessus de leurs têtes. Ils marchent et se tiennent fort la main. Les nuées d’oiseaux du bocage se mettent de la partie et répondent aux arbres musiciens.
Gonaïbo et Harmonise marchent lentement, tirant sur leurs jambes pour avancer. Les arbres s’espacent peu à peu.
De longues blessures sillonnent les troncs des pins et un sang gommeux coule en ruisseaux jusqu’à leurs pieds. Les arbres ne chantent plus, à peine s’ils fredonnent. Ici, les hommes sont venus.
La peur s’empare d’Harmonise, à contempler les arbres blessés. Ces arbres ne sont-ils pas divins selon toute apparence ? Qui ose mutiler vivant des dieux ? »
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Jacques - Stephen ALEXIS
HAÏTI
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