UN CADRE D'EXCEPTION
LES SOUVENIRS ENGAGENT TOUJOURS
!!!
Un No Man's Land Insulaire
Le Détroit redouté eût très certainement exhorté Ulysse et ses compagnons de légende à fuir le domaine dédaléen des Bouches de Bunifazziu, si tant est que l'on fût jadis bien au coeur du récit !
Une tragique fortune de mer nous rappelle aux 694 noms survenus le 14 février 1855 à bord de la Sémillante. Marins et officiers voguaient sur la frégate française en route pour la Crimée, ( déjà ). Le naufrage du vaisseau de la marine reste ancré dans les mémoires ! Eternel cimetière marin...
Il se brisa sur des écueils aux parages des Îles Lavezzi, sans autres gouvernes que les vagues terrifiantes d'un violent vent Ponant. Il fut précipité, disloqué contre les rochers. La tempête dispersait et emportait ses nuées d'embruns et s'écumes à plus de 15 encablures à l'intérieur des terres du Grand Sud de l'Île de Corse et du Piale, le Causse bonifacien. L'on rapporte que les habitants de la Cité des falaises et de la Citadelle, entendirent comme une immense clameur, un cri d'horreur, un terrible fracas, un choc sourd ! ...
C'est ainsi que ce jour, à bord d'un solo extrême et engagé vers l'entrée des Bouches de Bonifazziu, je ne pus m'empêcher de penser à ces matelots, ces marins et ces officiers disparus en mer, drossés par les flots rugissants d'un labyrinthe parsemés de hauts - fonds, d'îlots et de brisants, de pièges insoupçonnés.
Je garde aussi le souvenir d'un ouragan séculaire qui balaya la France, en deux épisodes, les 26 & 27 Décembre 1999, - LOTHAR et MARTIN -, dont le second toucha particulièrement le Sud de l'Hexagone et la Corse, de plein fouet. Il fut alors relevé des pointes et des rafales hors normes sur zones, de l'ordre de 103 à 125 Noeuds. Il s'agit également d'un vent Ponant...
Evoquons enfin le phénomène " DERECHO " qui balaya dernièrement la façade occidentale de l'Île de Corse, cet été, le 17 - 18 Août 2022. Un phénomène rarissime qui leva soudainement des vents tourbillonnants à plus de 100 Noeuds et qui occasionnèrent , au diapason de nuages inédits, les terrifiants Arcus d'orages !
" LOTHAR & MARTIN "
Pour ce qui concerne la Corse, le Ponant s'établit au secteur Ouest en exposant particulièrement les Bouches de Bonifacio comme l' extrême pointe du Cap Corse. 26 & 27 Décembre 1999 ! En ce temps là, je découvris l'état de la Grande Bleue depuis les hauteurs de Vintilegna et de la Trinité de Bunifazziu notamment, soit l'entrée des Bouches. Le spectacle d'une mer très grosse à énorme, démontée, inhabituelle me fascina...
Le vent change d'échelle / Emulsions
REVENONS AU RECIT D'UN SOLO WINDSURF
AU DEPART DE SAN GHJUVANNI
VERS CAPU DI FENU
( Voici quelques images, captures d'écran, réalisées par " EMMILA ", depuis la côte. Le Zoom optique fut réglé sur X 80. De quoi rapprocher fortement le sujet. Prises de vues à mains levées ). Cliquer sur les images afin de les agrandir ( Format 16 / 9 ème ). Lire sur portable ne restitue aucunement la réalité des conditions
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Une mer grosse, tempête - tueuse ! Comme un Grand Erg marin dont les plus hautes dunes mouvantes s'engouffrent dans les Bouches de Bonifacio à très grande vitesse, poussées par un vent violent. Les éléments déchaînés soulèvent des collines d'eau, creusent de profonds vallons.
Je navigue à vue. Comment savoir, anticiper en pareilles circonstances, le déferlement soudain d'une lame, d'une barre, d'un mur d'eau qui pyramide et culmine soudainement, deux fois plus haut que les autres ? L'incertitude règne. Aucun compromis ; ne suis-je pas ici pour embarquer à bord du vent fort, violent, vivre une toute autre dimension à l'intime du vent ?
Naviguer, se diriger, tourner, étaler les violentes rafales ne s'improvise pas. Je vague et vogue bien seul, hélas ! Mais comment refuser cette invite, ce duo unique en ces lieux qui me sont pourtant " familiers " ?
Si je ne les reconnais plus, mes repères à terre demeurent : précieux, pérennes, sûrs ; je m'y fie et n'ai de cesse de les solliciter. Tours d'horizons incessants, lumineux ; je flotte dans un nuage, traverse une panne d'embruns permanente. Lors des plus fortes rafales, l'eau fouette au visage, gifle. Je détourne le regard, le profil bas...
Faire dès lors confiance à la constance du vent établi. Les fortes bourrasques me désorientent parfois mais le vent moyen convient à l'option matérielle que j'ai choisie pour ce long et rude solo.
Je n'ai aucun autre choix. Il faut s'éloigner de la zone des hauts- fonds. Ainsi de me recadrer sur zone, au près, afin de revenir tout en laissant sous le vent, un ensemble de deux secs très dangereux. Malgré la forte mer, leur aura d'écume immaculée et pétillante persiste, me situe et me place au beau milieu d' un convoi ininterrompu de vagues.
Devant moi, la tour gênoise domine ; elle demeure et en impose, amer principal que j'aligne sur la pointe acérée et son arase ; antique chapelle sise au ras des flots, livrée à tous les vents et dont l'autel diluvié reçoit discrètement les confessions du chagrin, de la solitude, de la prière. Solitaire et pourtant si présente, tel un ex-voto commun, une lueur dans la nuit de nos coups de temps...
Je m'adapte peu à peu aux rudes conditions de l'hiver, lis attentivement les indices et les signes d'une sphère éthérée qui m'échappe, m'enchasse, m'étreint et me porte dans les airs, au faîte de ces collines inspirées par le Ponant.
Combien d'allers - retours, de milles marins parcourus, quels dénivelés dès lors avalés, dévalés, à grande vitesse, le corps en suspension, doublant sur le fond ces pointes et ces accélérations envivrantes.
Je me couche tout en enpannant, flotte quelques instants après avoir longuement plané et rejoint les Puffins Cendrés de sortie. Comme émerveillé, je contemple la grande fresque des Travailleurs de la Mer qui oeuvrent fidèlement et en silence aux portes du chaos moderne et de ses forfaits dévastateurs.
Instants de vérité pour un - sensé ! Certes, mais authentiquement et hautement thérapeutiques, cathartiques. Je sais que je peux y laisser la vie. La mer n'est jamais magnanime. La tempête n'aura jamais été miséricordieuse comme le souhaitent désespérément les gens de mer qui la craignent au tréfonds de légitimes angoisses et longues attentes à terre, la peur au ventre.
Je navigue durant deux longues heures. Au vent du site, fais l'expérience d'une zone " abritée " où le coup de vent, moins fort, persiste en accompagnant de très belles vagues. Elles recherchent obstinément le trait de côte, un vent traversier qui les retient et les coiffe au moment de diffracter puis déroulent en s'offrant au lit du vent. De splendides moments me permettent de souffler un peu, de jouer non loin du rivage, de me rassurer avant que de m'élancer à nouveau vers le large et ainsi me replacer.
Pour clore cette échappée, je serre le vent au plus près, pointe le sablon qui me vit partir deux heures plus tôt. L'endroit est calme. De petites ondes bercent la dune que j'atteinds sans difficulté et qui me déposent sur le sable avec légèreté.
Un dernier regard vers le passé. Que reste - t - il de ce dialogue, de ces moments de fusion et d'osmose ? Rien, si ce n'est la promesse d'un retour. Tenir le cap de l'humilité, du témoignange, du message à la mer, de l'éternel labyrinthe de la conscience offrant à l'âme une dernière voix comme au corps le sens de la Voie saine et périssable
Ecrire, vivre une deuxième fois, retourner là-bas,
" Eau - Delà "
!
- MARIN -
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" RECITS ET OUVRAGES MARINS "
Le 26 Janvier 2023 - Réminiscences -