MONSIEUR CLAUDE MONET !...
A Notre Peintre des bateaux
J'adore l'Univers de la Peinture, l'Art de retranscrire du bout des doigts l'épanchement, l'immense " supplément d'âme " que l'Artiste arbore, couchant, là, sur une toile, comme la jeune lumière du jour, le velum de l'aube, un bateau qui se rend aux laisses de la basse mer... La peinture n'est plus que poésie, rime des ondes qui nous transportent, au-delà de tout ! Et lorsque l'alchimiste de la lumière et des sons hauts en couleurs vague et muse, au grès des flots et de la mer sur ses bateaux, il me prend comme l'envie de le suivre, de chanter à bord, en voyage, en pensée, vers l'éternel retour d'un génie fait homme, homme vrai et mutant vers la vérité !
Il n'aurait alors jamais été ni souillé, ni bafoué, ni trahi !... La peinture, l'impression première et originelle des sens, certes, mais plus encore ce divin détour par-delà les sens qui nous eussent révélé les contours du rêve, du chant, de la mélopée, un pan d'éternité suivant les brisées de l'instant. La peinture qui me fascine et me sidère, fulguration de l'éveil où la clarté et la nuit jouxtent d'un commun accord ces arpents d'imaginaire aux complétudes ineffables ! Le pinceau y appose la touche généreuse et épaisse de l'ombre, la silhouette recomposée d'un désir, la lourde persuasion d'un contraste qui eût traversé l'obscur, l'horizon et au loin, ces desseins languides à voguer, à ramer indéfiniment vers l'harmonie. La présence pesante, plus encore, la certitude tutélaire d'une vision éternelle, recouvrée aux premiers frissons du coeur, d'un âge, d'une époque, qu'ils fussent passés ou bien à venir ! mais cette féerie d'espérances et de joies qui jamais ne rompent au désespoir, à l'ennui, à l'immobilisme des certitudes si mal embouchées ! aux injonctions de passer et de sombrer aux oubliettes des meurtrières durées qui nous affectent, voici l'antidote aux destins sombres des incompris, à la source de la créativité !
Peintres de la Mer, de la Nature, peintre de l'instant de joie et des lumineuses harmonies, que n'êtes-vous plus parmi nous, dessinant à souhait le temps de vivre, du muguet, d'un déjeuner sur l'herbe, des barques folâtrant si près des Saintes-Maries de la mer, cavalcadant aux jardins de nos féeries enfantines, au seuil des songes et du premier amour ... Impressionnistes du large, marins à terre : l'apothéose esquissée, l'ébauche d'un ultime penser, unique, de l'émerveillable, l'esquisse, l'épure subtile et sapide qui nous eût donné le tout premier baiser, au retour d'une longue traversée ! Là, si près, un quai, le port espérant et languide ; on y entend battre le coeur des navires infidèles, des vaisseaux d'antan , l'interminable bruissement des gréements et le chant souverain des hautes mâtures ... Je vous évoque, Monsieur Monet, moi le pauvre et insignifiant quidam, le piètre admirateur, depuis les si longues décennies qui nous séparent, partageant encore et à jamais, avec vous , ces moments rares de créations, lorsque, comme par révélation, l'être à nouveau et pour toujours renaît de ses cendres, des lents déclins qui aujourd'hui l'assaillent et l'affligent dans ces culs de basses fosses de l'oubli !
Mais dites-moi, comment faisiez-vous pour réaliser plus beau et plus prenant que les yeux du premier regard, de la découverte, de la candeur ? Comment de cet univers de silences et muet tirer la quintessence du chant, les mélopées de l'eau et de l'étrave, ivres de vents, le sidérant rappel de la mer et des bateaux ?
Une prairie, une baie eussent suffit à camper le décor d'un printemps, de la noce et de la fête ! Figements, linéaments solennels, aux doigts magiciens de la couleur et du trait évocateurs, je regarde à travers chacune de ces toiles ressusciter chaque jour, une vie, une autre éternité, un océan de mouvances et d'existences ces perpétuelles harmonies... L'inaccessible bonheur que les mâts et les vergues tentent vainement de décrocher autour des mondes brisés !
MARIN - en toute 1 ère Écriture - 22.01.2056