TOURNANT ! ...
Le ciel étrangement parhélique annonce un coup de temps imminent. Le détroit et l'horizon révèlent d'autres îles qui semblent croiser au large, émmerger de la brume des songes, droit dans le Ponant, au Levant. Aventureux lendemains, je vous espère, comme un plain - chant !
En chemin, une halte s'impose. Face à la mer, le Tournant du Grand Sud me ramène au Cap Sounion et aux balcons de l'Egée dont le Meltem parsème tant d'îles légendaires. Je revois la féerique gargotte du Cap et ses gargoulettes de terre cuites qui ruisselaient d'eau fraîche dans nos timbales, attablés que nous étions sous une treille dense obombrant un havre de paix. La brise emportait une merveilleuse échappée, au coeur des ruines de l'Attique.
Je me suis assis et longuement reposé. Adossé à la roche lisse et ocrée, creusée et polie par l'eau et les vents, j'ai embarqué à bord des souvenirs et rejoint les lointaines vires de mon enfance. Rien n'aura donc changé ! Le temps se serait comme figé telle la montagne dans la mer et ses filandres de ciels zébrés de givre. A l'approche du Tournant, les plus hautes vagues ressemblent aux nuages.
Ici, nulle part, ailleurs peut-être, sans limite, quelqu'en soit le sens, je vais comme je demeure au gré des années qui s'échappent trop vite et si lentement à la fois. A ces pages du grand livre de la vie et de la destinée que l'on tourne et rouvre au fil de l'eau. A la mansuétude de la Grande Mer qui me ramène au rivage, en un même point de rencontre, vers tous les absents qui m'étaient en ce temps-là si chers !
Qu'importe la nuit et le jour quand ils règnent tantôt si radieux puis, hélas ! tragiquement enténébrés ! Car il nous est accordé ces brins de conscience pour y penser sans relâche, en circonscrire tous les horizons ! Faire part dès lors de l'attention et de l'empathie existentielles, de ces inclinations que l'on doit sans fin au vivant, au survivant, de circonstances, avec gratitude, sans lesquelles l'existence perdrait inexorablement la voie.
Enfin, agir, tenter d'agir, être présent, participer du grand Tout qui nous définit ... Je nourris ce sentiment qui destine, qui élève.
Au Tournant que l'on passe si vite en laissant derrière soi ce qui et ce que sera demain, à nouveau devant nous et vis et versa. Ainsi de la renverse des vents, du flot rompant au jusant des solennelles marées, des lunaisons, du cycle inextinguible des renaissances et des saisons, d'une vie d'échanges et de partages incessants que l'on sauvegarde ici - bas, sur cet unique vaisseau, perdu dans le Cosmos que nous sommes. Je fais un voeu : que l'espace de la durée qui nous est mesurée vire à l'éternel retour !
J'aime profondément la Montagne dans la Mer, cette Île que je vis, pour les mille et un caps enchassant ses vallées qui défilent, la multitude de ses tournants où le temps, la lumière, l'eau des torrents jouent à se cacher, en regagnant la mer, vers le ciel, comme s'il en eût été d'une probabilité d'île édenique, de ses intarissables sources et vergers
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- MARIN -
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" PROSE MARINE "
Le 31 Mars 2023