NAISSANCE D' UN PHARE, 2 ème partie ....
Le Phare des Héhauts de Bréhat - Côtes du Nord, partiellement mutilé sous l'occupation...
(...) L'année suivante commença le maçonnement.
Il était malaisé de manier du ciment sous les douches incessantes; un vieux pilote fut mis aux aguets, seul debout parmi les travailleurs accroupis. Dès qu'il criait " Attention ! " chacun s'aplatissait sur son auget et attendait l'effondrement de la vague. Au commandement de " Allez-y ! " les hommes trempés se redressaient. Vite, on sortait la truelle de la ceinture, on vidait un peu de ciment contenu dans de petits sacs imperméables, on se remettait à la besogne jusqu'à la prochaine alerte.
Ce ciment, gâché sans sable, à l'eau de mer, servait à fixer au fond de chaque trou une tige de bronze.
A la fin de la campagne, le Roc'h an Diaoul" se hérissait de seize antennes. Elles divisaient le flot qui se ruait sur elles avec la rage d'un assaillant nargué par un insaisissable adversaire.
Durant six années encore, ce labeur continua. Au bout de chaque saison, le monument dépassa successivement les hautes mers de six mètres, de douze, de dix neuf, de vingt et un, de vingt sept mètres enfin, lorsque sa terrasse eût été couronnée par la coupole vitrée destinée à protéger l'appareil.
A la base, l'épaisseur de la muraille était colossale: un mètre soixante quinze ! Mais cela ne suffisait pas encore. On avait renforcé cette muraille par une véritable armature d' acier. Des tiges verticales couraient au long du parement intérieur. Quand la maçonnerie atteignait la mi-hauteur de ces tiges, on en plantait une nouvelle rangée au milieu des intervalles. Des ceintures horizontales, ligaturées sur les tiges, étrésillonnaient le tout. Enfin, chaque pierre du revêtement extérieur était emboîtée à queue d'aronde dans la voisine, et des crampons de fer galvanisé assuraient cet emboîtement.
Armé de la sorte, et assemblé dans la multiplicité de ses parties, le phare rigide devait renvoyer au vieux roc, sans en souffrir lui-même, tout l'ébranlement de la tempête.(...)
A suivre...
PAUL REBOUX, Le Phare- P. 101 à 105 - Extraits de
" L'homme devant l'Océan",
présentés et commentés par R.VERCEL