LES PHARES AVEC JULES MICHELET
Tour d 'Agnellu au premier plan et L' Île A Giraglia - Capicorsu
" ... Beaux et nobles monuments, parfois sublimes aux yeux de l'art, et toujours touchants pour le cœur. Leurs feux de toutes les couleurs, où se retrouvent l'or, l'argent des étoiles, offrent un firmament secourable qu'une Providence humaine a organisé sur la terre. Lorsque nul astre ne paraît, le marin voit encore ceux-ci et reprend courage, en y revoyant son étoile, l'étoile de la Fraternité.
On aime à s'asseoir près des phares, sous ces feux amis, vrai foyer de la vie marine. Tel d'entre eux, et des moins anciens, est vénérable déjà pour les hommes qu'il a sauvés. Plus d'un souvenir s'y rattache; des traditions les entourent, de belles légendes, mais vraies. Deux générations sont assez pour qu'ils deviennent antiques, sacrés du temps. La mère dira souvent à la jeune famille: " Celui-ci sauva votre Aïeul, et, sans lui, vous n'étiez pas nés. "
Que de visites ils reçoivent de la femme inquiète qui épie le retour! Le soir, et même la nuit, vous la trouveriez là assise, attendant et demandant que la secourable lumière qui brille là-haut ramène l'absent, le mette au port.
Les anciens, fort justement, dans ces pierres sacrées, honoraient l'autel des dieux sauveurs de l'homme. Pour le cœur en pleine tempête, qui tremble et espère, la chose n'a pas changé, et dans l'obscurité des nuits, celle qui pleure et qui prie y voit l'autel et le dieu même..."
JULES MICHELET - 1798 - 1874
LA MER
Librairie nrf Gallimard - 1935
Pages 58 - 59