ESCALE !...
L'essaim ne prit pas son envol. Il sut ce qui lui en eût coûté de quitter la terre ferme en ce jour de vents violents, après un long voyage. Les Flamands Roses se reposaient, dominaient de leurs longues échasses les eaux incessamment balayées et froncées de la lagune. De fortes rafales fonçaient sans fin le miroir aux ciels d'automne enfin recouvrés, lavés.
Comme leurs compagnons, les pigeons voyageurs, ils migraient. Et l'on eut tant souhaité qu'il en soit ainsi, dans la sérénité, le respect de ces vols au long cours qui ne laissent jamais de nous interroger, de nous émerveiller. Le Peuple Migrateur fait escale après avoir choisi sur la Longue Route l'Île de Corse et ses rivages lacustres sans nombre. Autant de thébaïdes naturelles où les oiseaux partagent en silence les mêmes refuges, les mêmes domaines de provendes, avant le grand saut par - delà la mer et l'océan, vers les contrées africaines plus clémentes.
Tous ne sont hélas pas épargnés ! A l'acmé de leurs efforts, en touchant terre, l'engeance mortifère, la cruauté des hommes en armes les attendent. Le rituel ne change guère ! Ils les affolent en tirant sur le groupe de tête et, lors d'une vaste et tragique ronde de détonnations, ils les abattent par dizaines ! Une hécatombe, les hurlements des chiens, un progrom animalier perpétré dans le maquis, au nom de la tradition, de la gastronomie, d'un commerce juteux. Une traversée magistrale fauchée à l'orée du paradis... La panse ne pense pas : elle meurtrit, endeuille, enténèbre. Je fus un après - midi lugubre le témoin d'un massacre. Les larmes du ciel, sur fonds de froides virga, tombaient comme des oiseaux mitraillés !
Tout est pourtant là, qui ne change jamais, dans l'immutabilité des choses vraies, essentielles, solennelles que l'on aura perdues, égarées, altérées. Et c'est ainsi, sur la mer, que je me sens comme l'oiseau de passage, infiniment léger, immensément perméable, souvenant de mille choses. Chemins de traverse pour une escale sur Terre : exception, privilège cosmique. En prendre pleine conscience ouvre des horizons sains, innombrables, respectueux de la vie, de la diversité, des différences. L'éternité pas à pas se construit, s'appréhende à la semblance de l'âme, de la mémoire, de l'émotion ; pans de vies qui ne sauraient avoir d'âge.
Appartenance, allégeance, élément d'un pacte que l' humain ne peut approcher, appréhender, protéger, en l'état de son inachèvement malheureux dont il ne perçoit pas le chasme ! Que je me livre comme tel, élément agissant et partcipant d'un Tout, du numineux, proche de l'idée de Dieu, de la vie, unitivement ...
La foi, certes oui ! Une certaine inclination à l'amour, au plus près de ces forces de vies et de cette énergie multiples et souveraines, émminement spirituelles, qui se réfugie au terme de l'écriture, de la pensée, de passage, en migrant, lors de toutes ces escales que Mer - Océan accorde, au-delà du temps, de la conscience, de la raison.
Donnons aux rêves, aux songes, à la poésie le soin de ne jamais gésir sa vie, de l'émerveiller, en s'extrayant de soi, de la durée, du décompte.
De passage, en migrant, en planant, j'aurai survolé aussi tant de mondes, découvert l'horreur au coeur même de la beauté et je vous dis combien la nature humaine recèle d'atavismes, répond aux logiques du mal, de la possession, du lucre, de la dominance et de l'accaparement. Incessants déluges des cruautés que le vaste Peuple Migrateur ignore
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- MARIN -
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Le 08 novembre 2023
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