DIS-MOI PETIT CORMORAN ...
A quoi penses-tu, là sur ton petit bout de monde, de rocher ocreux, à regarder si longuement la mer ? T'enivrerais-tu aussi de bleu et de grands espaces, vivrais-tu de fidélité à l'appel des flots au fil des jours et des saisons que la mer et les vents emportent ?
Tu restes malgré ma présence, tu ne me connais point et pourtant il me semble que nous causons ... tu te prêtes docilement à ma curiosité, sans craintes, posant comme si de rien n'était. L'éclaboussure soudaine ne t'affole pas, tu l'attends comme une onction et l'instant sapide nous ravit d'écume.
Petit Oiseau, toi qui voles si bas et rase les vagues si vite, je sais que tu penses et te souviens. Combien de fois n'ai-je pas croisé votre vol au hasard de mes bordées et du coup de vent ? Tu es d'un monde où les rêves de large s'abreuvent à la quiétude clarteuse des rivages .
Tu dois sûrement te dire :
_ " mais qui est cet être étrange, posté derrière moi et qui me dévisage et se cache derrière un rocher, m'obligeant à tourner sans cesse la tête, à douter ? " ; je ne veux plus douter mais croire !
_ " Pourquoi marmotte-t-il tout haut et à ma place, insiste-t-il ainsi, où sont ses ailes, pourquoi est-il si grand ...? Le silence et la confiance ne valent-ils pas cette bolée harmonieuse et tangible d'amour entre nous deux, entre l'humain et l'animal ? Le coeur n'aurait-il point assez d'ascendance sur la raison que la mer apaise ?
Mais il n'en est rien, tu restes impassible, imperturbable et dans tes postures que la brise effleure, tu abandonnes au souffle marin le soin de sécher presque lascivement les ailes. Le rituel est convenu, tu reçois alors au coeur du vol, comme un élan de liberté, la caresse troublante du zéphyr.
Jeune oiseau que la candeur inonde, tu évoques en moi le souvenir envoûtant d'une lointaine rencontre. Un de tes pairs vînt un jour jouer parmi nous et fit de notre bain de mer un ravissement. Tu évoluais près de nous, enlaçant nos jambes de ton cou, te laissant tendrement caresser, avant de disparaître et de recouvrer d'autres ébats.
Était-il apprivoisé, connaissait-il de l'homme ces penchants vrais et aimants dont ont aurait souhaité qu'ils les eût tous partagés ?
Marin
1 ère Écriture le 28.08.2011 - Lecture à mes Petits Enfants
2 ème Ecriture le 19.04.2012