LA TERRE DES ORII / SUITE ! ...
" Déjà il rêvait à une thébaïde raffinée, à un désert confortable, à une arche immobile et tiède où il se réfugierait loin de l'incessant déluge de la sottise humaine "
HUYSMANS
A Rebours - 1884 - Page 9
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Au vénérable sentier de transhumance, au petit col sans prétention qui me distance et m'absente. A ses deux vallées mystérieuses et parallèles qu'ils lient et relient et qui se rendent à la Grande Mer en fusionnant avec les rivages des lagunes, des baies lacustres amènes. Aux généreux graux qui ne laissent plus d'abonder la dune et ses jardins secrets, jadis nourris de sains limons !
Un promontoire s'échappe de la voie en dressant de toutes parts barrières rocheuses et monolithes fantasmagoriques. L'éperon minéral et ses caches en imposent là où le chemin labyrinthique sombre et piège ; l'oriu s'est terré. L'arche et la voûte réfugiaient, accueillaient depuis des millénaires dans le dénuement, sans autre atour que la pierre ocreuse, grenue et maintes fois taillée. De nos jours il n'est plus que relique, vestige, témoin de l'âge de la roche ouvragée par les éléments, puis par l'homme.
L'oriu ne peut échapper à la véhémence des vents dominants du Grand Sud et du Tournant, au Grecale, bien que les deux entrées réduites ne laissent passer qu'un homme couché ou accroupi, qui se plie afin d'engendrer un linteau de granite. Je n'ai pu voire une communication entre les deux pièces au toit très bas. L'immense bloc repose sur une imposante assise granitique augurant ainsi de l'érosion immémoriale à l'entour.
Sur la route des estives, le destin prenait le maquis. Voyageur ou " bandit ", berger, qu'elle existence y menaient ses passagers ? S'y cachaient - ils et pour combien de temps ? Qu'elles étaient leur destination, les conditions de cette retraite, les complicités dont ils bénéficiaient ? Lieu de rudesses, ermitage, réclusion, traversée des saisons, commerce, comment s'opéraient la distribution et le partage de ce site coupé du reste du monde, de l'histoire, là même où se sont succédées, sans trace, mille destinées ?
A cette thébaïde qui maintient à toujours la fraîcheur et le charme de la nuit constellée de printemps ! Loin du tumulte, si près de la Terre des Hommes, au bout d'une île que les contes et les légendes enracinent.
En ce jour pascal, je n'ai pas entendu le chantonnement des ruisseaux, chuinter la source, le gazoullis habituel des passereaux, le vol lourd du ramier, grisoller l'alouette des champs. Quelques naperons fleuris disséminés dans le maquis à la faveur de l'ombre rayonnent. Les champs aux étoiles - asphodèles ne brillent plus comme il fut un temps d'abondance et de ravissement moutonnant à la brise comme les blés mûrs.
Un îlot arboré, densément fleuri, retient encore l'essaim bourdonnant. Unique trace de vie audible et visible que l'arbre fruitier ensauvagé abrite.
Le sentier perpétue la mémoire, ravive le patrimoine. L'ocre pétré des îles se fond et se dissout dans l'azur comme les nuages et les vagues messagers.
Comme un cheminement, un infime pan d'univers égaré, au coeur d'un songe - exoplanète ; visions lunaires que le souffle aurait quittées !
A la pensée, au Logos sans limite ni fin que l'empreinte scelle et cèle au-delà de tout et de rien, tel un pas, un brin de conscience emmené à bord du vent stellaire. Je vais au gré de l'écriture. La prose vire parfois à la poésie de l'instant que l'on ressent avant d'en coucher sur la feuiille d'herbe quelques bribes vagabondes
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- MARIN -
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" A LA RECHERCHE DU TEMPS "
Le 10 Avril 2023