UN MESSAGE DE LA MER ! ...
" On disait de mes petites longères de pierres ocrées qu'elles ressemblaient à la maison de pêcheur où Aléxis Zorba et son ami Basil donnèrent ensemble un sens à leur existence ! Là - bas, vers un petit bout de monde, flanquée au bord de la mer, dans un coin de paradis crétois bercé par les flots ... Les deux amis y dansaient le Sirtaki le soir, sous les étoiles. Ils conjuraient le sort, poétisaient le grand roman de la vie, de l'amitié, de la légende personnelle et de l'amour. Une beauté saine, humble, irradiait de mille feux au diapason du don de Dieu et de la lumière féerique du soleil, tout près de la vérité de la mer, de l'azur, des horizons. Noces, perpétuel été des rêves à ciels ouverts sur le large, où croisait l'espoir des îles en partance "
MAIS ILS
...
Je suis une anse, un petit port naturel ceint de rochers ocreux. Un croissant de lune sablonneux en tapisse le fond et mes eaux miroitent et bleuissent au grè des vents, des risées, de la Grande Mer froncée que la traîne des nuages recompose sans fin.
Si bien que suis aussi devenu un refuge pour le marin, le pêcheur, dont la passe, l'accès et la sortie requièrent prudence et habileté à la manoeuvre. Merveilleux havre que berce les plus fortes marées de tempêtes, qu'illumine Séléné aux soirs et aux nuits odoriférantes de l'été.
J'en garderai le secret d'Île. Qui sait, quelques vieux portulans en auront bien des fois signalé la providentielle présence, sur la route des contrebandiers, des boucaniers exilés. Quelques fortunes carrées auraient ici certainement trouvé un heureux dénouement, une mystérieuse fin, un point de non retour ...
Les couples de goélands leucophées ne laissent jamais de prendre et reprendre leur majestueux envol, en couple, libérant leur trille perçant et si particulier qui jamais plus ne s'oublie. Sillages ! Ainsi de leur domaine ; ces grands oiseaux y maîtrisent les airs, les vents violents, assurent les besoins de la couvée. Ils se sont accaparés tous les îlots d'un domaine maritime d'exception disposé en archipel, en amas d'étoiles.
Les entours, antan, sublimaient la beauté. Tout concordait et participait d'un pacte naturel accompli, pérenne. Chaque année redessinait la dune parcourue de tamaris et de genèvriers littoraux à la voilure épaisse et mélodieuse, aux fleurs endémiques rares. La végétation jouxtait la grande plage de sable arc-en-ciel et les camaïeux de la Grande Bleue, ces horizons que hâlent toujours le Ponant et de sublimes couchers de soleil ; disque solaire enroché, nues rougeoyantes, filandres de ciels annonciateurs de vents frais et de renverses lumineuses !
Il existe bien quelques rares bâtisses, basses et authentiques, en pierres de tailles du pays, au " coeur historique " du vieux hameau de pêcheurs. Justes et heureuses proportions pour cette destination paisible que rien ne semblait affecter, il y a quelques décennies et, pourtant !
Que de bouleversements vont et ravagent les lieux à la semblance de l'ingratitude et du mépris, du profit tous azimuts allant à l'encontre de la pleine nature, du littoral, de la vérité de la mer et de ses rivages aujourd'hui tant agressés ... J'énonce et dénonce la forfaiture, ce qui révolte et heurte dès le premier regard. Je connus l'aboutissement de cette route il y a fort longtemps et tombai sous le charme, fasciné, conquis, amoureux, depuis tant nostalgique et peiné, tellement affecté.
CAR
Ils ont bâtis et répandu le crépis, le béton, le parpaing, le tuf, les poubelles, l'anachronisme géométrique et urbain à l'orée de la mer, en gagnant, en lacérant la colline !
Ils ont travesti ma frange littorale en la recouvrant de blocs hybrides et de remblais infertiles. Piètre gain au-dessus des flots et un tout - essentiel que les gens en villégiatures ignorent d'ignorer !
Ils ont dévasté ma dune, viré les arbustes pour y loger des centaines de voitures, des aires en tuf durci, poussièreux et surchauffées à blanc sous les canicules ; bacs à ordures, autres nuisances s'y incluent, s'invitent à l'envi au gré des fréquentations estivales déraisonnées ! L'huile moteur et la graisse souillent le sable voyageur et artisan - potier de mes cordons littoraux. La voiture, faire - valoir de circonstance trône et masque l'authentique harmonie à quelques mètres de l'eau !
Le long de mon beau sablon, les déchets, le plastique, les vieux cordages synthétiques, les canettes, les bouteilles, le polystyrène expansé, le pneu, s'entassent dans les couches d'algues mortes et putrides, sourdent et trainent dans l'eau claire sans être ramassés, tout près des habitations. Et l'asphyxie gagne, l'algue verte profite des eaux pisseuses et prolifère tel un varech climatiquement modifié, décomposé !
On ripaille, on villégiature à deux pas, face à la mer, au grand bleu, en musique mais qu'importe la crasse, la saleté, le non - sens architectural accoté agressant le panorama et la culture, quand les tiroirs - caisses tintinnabulent si fort qu'ils couvrent le chant des vagues et des rouleaux !
Ils ne replantent rien, l'aire de stationnement a gagné du terrain au diapason des appêtits sur les desseins de la mer. Les portiques prévennant l'assaut des maisons roulantes restent ouverts la nuit ! La Réserve jouxte les affres de l'agression permanente, les tombants des collines alentour ont perdu une grande part de leur couvert végétal, le croissant de dune, - faute de protection -, abandonne aux flots et aux courants chaque année un peu de sa densité, de son épaisseur ; le sable nous quitte, ternit, désormais emboué ...
Ils ont jeté ici et là de gros blocs qui délimitent si mal l'espace surbondé l'été. Terres stériles, tassées, nauséabondes !
Quand au sens de la beauté, il rompt aux exigences lucratives et cupides de la crasse, de l'entassement et la dissémination des rebuts qui occupent chaque enclos, rivalisent de laideur, de désordre, d'inculture !
Notons enfin, qu'en pareils sites dits " remarquables ", je déplore encore une trame et une chaîne sordides de fils, de câbles électriques et téléphoniques zébrant les ciels et l'azur, si bien qu'il demeure impossible de cadrer une photo sans en lacérer le fond.
Dans une nature éblouissante, l'occupation des hommes vire aux hideurs de l'exploitation, de l'ingratitude, de l'indifférence. Qui peut cultiver un beau jardin cerné de mochetés sans réagir fermement et cesser définitivement l'insane métamorphose en marche.
Une charte d'occupation et de réhabilitation des sols s'impose, qu'il s'agisse du domaine public maritime ou privé : l'intégration au site prime et prévaut avant tout, question de respect du patrimoine commun, d'avenir pour les jeunes générations.
Et combien, comme moi, - anses - lagunes - petits ports - criques - baies - calanques, cordons littoraux, graux, rivages et zones lacustres et humides - hameaux de bords de mer, aires abandonnées - , souffrent de déliquescence, d'irrespect, d'ingratitude et de mépris, de négation des grandes et vraies choses de l'existence qui pourtant nous fondent et devraient justifier tout acte propre et durable
!
Nous envoyons et relayons ce Message de la Mer et de ses rivages. Puisse l'édile, les Elus de la région l'entendre et agir. D'autres représentants suivront sur ses pas, pour le meilleur, pour l'amour d'une Île, d'une Terre. Pà i me Loca ...
Ghjorghju d'OTA
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" COLERES - REAGIR "
Le 18 Mai 2023