SAUVAGE MAIS REDOUTABLE ...
Si tu ressens la moindre fatigue, si le moral tangue et roule entre les miasmes biaiseux d'un quotidien venimeux, ne t'aventures pas ici !!! La vague, si petite soit-elle, possède une énergie mystérieuse.
Elle déferle sur un plateau rocheux et la masse d'eau glisse, avalancheuse jusqu'au bord, sans perdre de puissance.
C'est une des rares vagues à offrir, les jours de gros, plusieurs peaks et des surfs à contre-Bowl ! Elle est belle et franche, droite et sévère ; elle ne concède à chaque fois que deux, voire trois issues pour le Marin talentueux qui obtiendra, au bout de cette quête de légèreté, l'envol suprême ...
La chute ou la trahison du vent ne pardonne pas ! C'est pour cela qu'il vaut mieux prendre et choisir la dernière vague pour espérer une dernière correction de ses erreurs, la tolérance miséricordieuse de cette onde solitaire.
Qui ne fait pas d'erreurs ?
Rien n' y fait, pas même le temps et ses pseudo expériences acquises, capitalisées !
Chaque confrontation à l'élément est un nouveau départ, une lecture profonde et attentive, une révision totale de ce que le commun peut engranger aisément au rayon des certitudes ...
Ce jour là, le vent était capricieux, légèrement Side Off Shore et la vague s'est montrée soudaine, trop près du rivage. J'ai commis une faute d'appréciation qui aurait pu prendre des proportions dramatiques ...
Je me suis hasardé sur l'avant-dernière vague d'une longue série, bien que recommandant de ne jamais le faire !!!
C'est cela, l'esprit infecté par le virus du quotidien qui tire vers le bas ...
Une dévente au mauvais moment, je ne peux relancer après un kick-out et là, c'est l'instant du doute ; il faut réagir et vite ! j'opte pour un plongeon canard bien profond à la base de la vague en brassant très fort vers le fond. Je repousse mon gréement loin de moi, je l'abandonne, cela me fais mal. Je sais à quel sort je le livre ...
Je ne l'aurais pas maîtrisé, même en réalisant avec la têtière une immersion suffisante !
Sous la masse d'eau, le rouleau m'effleure, je perçois ce balancement lourd, silencieux et ample. Revenu à la surface, un immense tapis de mousse pousse déterminé un amas de matière informe. Les rochers feront le reste dans une entente cruelle avec le ressac aussi massif que translucide.
je perds le Mât, ( en 4 morceaux ), la voile s'est déchirée de part en part sur deux niveaux, et le flotteur, miraculeusement posé sur les rochers saigne au niveau du maître-bau . J'ai entendu ce chocs sec et mat, dur comme un cri à plusieurs dizaines de mètres de moi malgré le grondement de la houle !
L'ensemble à été happé puis projeté, du sommet de la lèvre d'une vague turquoise vers les réalités bruyantes de la terre.
C'était une belle vague, de celles qui nous font rêver, qui n'existent que dans les Îles lointaines aux lagons émeraudes et chauds !
J'écris la vague, il m'arrive aussi de danser avec elles dans l'innocente insouciance des jeux de l'enfance, de ces rêves qui parfois nous envahissent avec une force passionnée...
" A ton second naufrage, n'accuse pas la mer "
dit le Marin !
Dessous, c'est une dalle rocheuse ; à un seul endroit, se dresse un Menhir !!!