IMAGE DU PASSE...
C'était un jour bien triste du mois de Mai, j'errais sur la grève sans savoir où aller. Le vent de terre rejetait les flots translucides vers le large et le flou de l'horizon. Le soleil n'attiédissait pas l'air printanier et fleuri. Perdu dans des pensées numineuses, adossé contre les pierres d'une petite chapelle arasée, je vis ce vaisseau surgir de la brume matinale de beau temps. Un grand voilier et la mer, comme par le passé ; je regrettai un instant de ne pas découvrir les quatre mâts de ce splendide oiseau, déployer une cathédrale de voiles sur le lit des mers et y entonner les Psaumes à la brise, à ce doux zéphyr, à toute la nature en beautés. Sa superbe étrave à guibre, altière et fine, le long beaupré m'emmenèrent sur les flots mugissants des tempêtes et des hautes latitudes, là où les gabiers, plusieurs fois Cap Horniers, perchés dans les vergues, regardaient le navire gravir lentement la pente de lames immenses, aux crêtes blanches volant en crinières d'écume .
Et puis je revins à la réalité, à la modernité; après tout, ce n'est peut-être qu'un bateau fantôme croisant dans mon imagination, dans une autre dimension, un monde où se heurtent, sans communiquer, les dédales du temps, les vivants et ceux qui ne sont plus de corps mais demeurent en esprit tout autour de nous...
Images silencieuses et muettes du passé, étonnement familiers qui bercent au plus profond de nous une étrange nostalgie, une délicieuse attirance et toute l'affliction envers ce qui disparait et ne reviendra pas.
Ce navire marchait au moteur, il contournait sans le savoir, le paradis de la marine à voile où l'homme et la nature s'entendent et se rejoignent pour jouer, avec un immense violon ailé, l'orchestre et la symphonie de la mer depuis longtemps trahie.
MARIN