INTOUCHABLE REFUGE ! ...
" C'est l'état de transgression qui commande le désir, l'exigence d'un monde plus profond, plus riche, prodigieux, l'exigence, en un mot, d'un monde sacré "
Georges BATAILLE
( 1897- - 1962 )
Lascaux où la naissance de l'art ( 1950 ), Genève, 1980, Page 38
L'hiver manque à l'appel du Solstice. Une île ne discernerait plus le visage avenant des saisons. Les chênaies défoliées déchirent les ciels des vallées arides. Le vent souffle souvent, s'engouffre, tourbillonne, attise la sécheresse. Les torrents, exsangues, cessent de couler, dépossédés de vies allant au fil de l'eau.
Il y a bien longtemps que la pluie s'absente. Obstinée, rétive, rancunière, parcimonieuse, elle manque cruellement. Les terres exhalent l'odeur acre des terrains vagues et poussiéreux jonchés de détritus que les villes et les bords de routes nous jettent à la figure. Pourquoi dès lors lui faufrait-elle tomber sur les mondes spoliés, défigurés ?
Avant de basculer dans l'autre millénaire, l'automne évoquait la lente et fascinante ascension vers le sacre de la lumière, sans jamais faillir. Les premiers frimas chargeaient les horizons de nuages bas et lourds, menaçants, que le massif insulaire accrochait. Les premiers feux de cheminées aux brumes aurorales se mêlaient. Les horizons clairs des montagnes renouaient avec les foyers...
Et les grands frais auguraient de tempêtes imminentes, les sommets se paraient de blancs manteaux. Il n'était de soirée et de nuit qui ne fussent ventées, fraîches, mélodieuses, habitées. Nous nous asseyions près de l'âtre et buvions chaud. Les senteurs et les parfums de la maisonnée de pierres et de bois de châtaignier se réveillaient. Les troupeaux quittaient les estives, rarement tardées.
Au crépuscule comme à l'aube, le ciel rougeoyant, les nues cerclées et luminescentes, le soleil enroché valaient signes tangibles de coups de temps et de pluies à venir.
L'époque aura bien changé. Je ne m'y retrouve guère. Les oiseaux se sont tus et manquent cruellement aux sous-bois, à la frondaison, au réveil de mornes journées criblées de cartouches.
Le baromètre semble s'être grippé, figé, rivé sur le beau temps que d'aucuns louent à l'envi. Le ciel est obstinément bleu, insolent de clarté. Le soleil mord, dessèche ; il convient toujours de s'en préserver.
L'heure solaire basculera à nouveau sous l'égide de l'homme-dieu, maître d'un temps que la nature ne lui reconnaîtra jamais.
Que je divorce de ce diktat infernal ! Il me faut retrouver les champs antiques des îles, là-bas, sur la mer, là où rien ne saurait changer, être commandé.
Que la distance embrase l'essence de l'aventure. Que la solitude m'ouvre grands les yeux sur le cours des mondes rebelles.
Ne resterait-il que la mer, les tempêtes, les plus hautes vagues, les cimes pour nous réconcilier avec ces brins ineffables de liberté où l'amour et la beauté convolent à toujours, vers la source des origines marines, l'harmonie, la révélation intouchable de l'aventure
?
- MARIN -
A Terre
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