CIELS ET VENTS DE LA MER !...
Le vertige, comme un lointain, est profondément bleu
Un dais de ouatines cailloutées de rochers mordorés signe au-dessus de la mer les clartés hiémales du Ponant. Le vent décoche de longues flèches de glace, si haut dans le ciel ! Paraphes immémoriels. Deux célestes champs rayonnent, semblent nous rapprocher de l'hiver, simulent l'arrivée du froid.
Mais la veille et la nuit ne nous auront point porté la pluie tant espérée, les averses et les grains nourris d'un mois d'octobre fidèle aux engagements du pacte naturel. Un souffle étrange, inhabituel, éloigne l'horizon. Lumières intenses et forts contrastes repoussent les distances, brandissent le spectre de la sécheresse.
Et toujours, cette mer d'argent réfringente, éblouissante, allant au diapason de la course, chaque jour un peu plus basse, du soleil solsticiel qui ne devrait plus darder de tels rayons.
Rien ne saurait ici changer ; le royaume des apparences est trompeur ! Il convient de ne pas se fier aux sempiternelles beautés d'une nature hautement menacée, en sursis. Les splendeurs de la mer se déclinent déjà au passé, du moins pour ce qui concerne le vivant qui l'habite et ses entours.
La Mer Morte irradie. Ne respendit-elle pas depuis l'antiquité ; ses camaïeux subjuguent l'instant, le présent, l'éternité ? Un dénuement extrême et inanimé y décline de précieuses moires.
Il est tout autour des îles de la Grande Bleue des zones mortes marines en voie d'achèvement, aux charmes et aux reflets d'azur pourtant et toujours aussi radieux...
Le rivage demeure, immuable dans ses figements, ses linéaments de pierres ocreuses et d'eau turquoise. Mais le chemin qui le longe se révèle sec, dur, tassé. Il ne pousse plus aucun végétaux de saison ni de fleurs d'automne, de l'ultime petit printemps avant les frimas. Les arbustes du maquis littoral dépérissent. De larges coteaux flavescents, safranés trompent l'automne. Ils témoignent de la mort sur pieds de milliers de chênes verts et de chênes lièges. La poussière recouvre la frondaison ; l'eau du ciel, la rosée manquent à l'appel et les champs brûlés, dépourvus de leurs repousses d'herbes habituelles. Les prairies verdoyantes que nous connaissions dès le mois de septembre exhalent une chaleur anormale, tard dans la nuit.
Combien de temps encore devrons-nous attendre afin que la pluie inonde abondament et régulièrement le Sud de l'Île ? Subirons - nous désormais ces pluies torrentielles et passagères emportant tout sans pénétrer les profondeurs de la terre et des forêts ! Que se passe-t-il qui fausse ainsi et déjoue les prévisions d'une science parvenue au point d'acmé de la modélisation du temps ?
Nous interrogeons désespérément les signes du ciel, ses rares oiseaux, en vain ! consultons les anciens, écoutons leurs récits : mais rien ne filtre, ne sourd des adages ancestraux décalés.
L'époque n'est plus aux lamentations, aux atermoiements mais bien à la prévoyance, à l'anticipation. Il conviendra d'accorder à l'eau une place de tout premier plan afin de différer la pénurie et l'asséchement de toutes sources de vies. De la fleur aux étoiles, il n'est qu'une voie claire que nous devons suivre ensemble, au risque irrévocable de disparaître
!
S'évader en mer. Y cueillir encore ces quelques mots de ciels insulaires où s'accrochent les souvenirs des saisons, à toujours fleuris. Que je sois humblement, que j'aille, de passage, brin de prose et de poésie, comme l'oiseau qui migre et qui parfait le chant des ciels
!
MARIN
Naturellement nôtre
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